Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 45e Législature
Volume 154, Numéro 31
Le mardi 4 novembre 2025
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- Le décès de l’honorable Murray Sinclair, C.C., O.M., C.M.S.
- Les péages des ponts et des traversiers
- Visiteur à la tribune
- Les réalisations de sénatrices
- Visiteur à la tribune
- Le décès de l’honorable Lise Bacon, C.M., G.O.Q.
- Visiteurs à la tribune
- La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique
- Visiteurs à la tribune
- Edmond Daigle
- Visiteur à la tribune
- Le décès de l’honorable Murray Sinclair, C.C., O.M., C.M.S.
- AFFAIRES COURANTES
- L’Assemblée parlementaire de la Francophonie
- La réunion du Bureau et la Conférence parlementaire sur la coopération francophone en matière d’agriculture durable, de sécurité alimentaire et de changement climatique, tenues du 21 au 24 janvier 2025—Dépôt du rapport
- Les réunions du Réseau des femmes parlementaires et du Réseau des jeunes parlementaires, tenues les 20 et 21 mai 2025—Dépôt du rapport
- La réunion du Bureau et la session annuelle, tenues du 9 au 13 juillet 2025—Dépôt du rapport
- Pêches et océans
- La valeur du tourisme pour l’édification du pays
- L’Assemblée parlementaire de la Francophonie
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi modifiant la Loi sur les poids et mesures, la Loi sur l’inspection de l’électricité et du gaz, le Règlement sur les poids et mesures et le Règlement sur l’inspection de l’électricité et du gaz
- Projet de loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant
- Projet de loi sur le réseau de digues de l’isthme de Chignecto
- Projet de loi sur la Journée de l’indépendance de la magistrature
- Projet de loi sur le vote à seize ans
- Le Sénat
- Le Monument commémoratif national de guerre de Terre-Neuve et la Tombe du soldat inconnu de Terre-Neuve de la Première Guerre mondiale
LE SÉNAT
Le mardi 4 novembre 2025
La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.
Prière.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le décès de l’honorable Murray Sinclair, C.C., O.M., C.M.S.
L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, en ce premier anniversaire de son départ vers le monde des esprits, je prends la parole pour rendre hommage à Mizhana Giizhik-iban, un leader, un juge, un sénateur, un mentor et un ami hors du commun dont la vie et le travail ont profondément changé le Canada et ont inspiré des millions de personnes dans le monde entier. Comme beaucoup d’autres personnes, je lui suis extrêmement reconnaissante pour ses décennies de mentorat et d’amitié, pour sa sagesse, son humour, son humilité et son courage, ainsi que pour les nombreux moments personnels qui ont révélé sa compassion et sa générosité.
L’honorable Murray Sinclair-iban a été l’un des premiers hommes éminents à soulever, voire à défendre, la question des femmes autochtones disparues et assassinées à une époque où on fermait largement les yeux sur cette question. Sa demande de justice dans l’affaire Helen Betty Osborne a mis en lumière le racisme, le sexisme et l’indifférence systémiques. La Commission d’enquête sur l’administration de la justice et les Autochtones au Manitoba, qu’il a coprésidée, a condamné le système de justice pénale du Canada pour ses échecs colossaux envers les peuples autochtones et a qualifié le traitement réservé par le pays à ses premiers citoyens de « honte internationale ».
En tant que président de la Commission de vérité et réconciliation, il a contraint le Canada à affronter la vérité sur son passé colonial et génocidaire. Son leadership a non seulement favorisé la guérison nationale, mais a aussi jeté les bases de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées au Canada et du mouvement vers la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Par ses actions, il a incarné les sept enseignements sacrés — l’amour, le respect, l’honnêteté, l’humilité, le courage, la vérité et la sagesse — et a constamment exhorté les autres à agir avec intégrité et compassion, même lorsqu’il faisait cavalier seul.
En 2019, lors du débat sur le projet de loi C-83, qui proposait de remplacer l’isolement cellulaire par des unités d’intervention structurée, le sénateur Sinclair a démontré sa force morale et ses principes quand, après avoir écouté ses collègues, il a pris la décision de s’opposer à cette mesure législative — qu’il appuyait initialement — à cause de l’absence de surveillance indépendante. Il a établi un lien puissant entre la pratique de l’isolement et les salles de punition dans les pensionnats autochtones, rappelant ainsi les dangers d’un pouvoir non contrôlé.
Au-delà de ses réalisations publiques, Murray Sinclair-iban était profondément humain. Il était chaleureux avec tout le monde, quel que soit leur statut. Il existe d’innombrables anecdotes témoignant de sa gentillesse et de son humour. Ses collègues, ses amis, les survivants et sa famille se souviennent de son grand rire, de son esprit taquin et de sa générosité. Ses conseillers, son personnel et même des inconnus se souviennent de la façon dont il faisait en sorte que chacun se sente valorisé et considéré.
Joignez-vous à moi pour exprimer nos sincères remerciements à sa famille de l’avoir partagé avec le monde entier. L’héritage de Murray Sinclair — justice, compassion, courage et réconciliation — continue de nous guider et de nous inspirer. Monsieur Sinclair, nous promettons d’honorer votre exemple et vous invitons, vous et d’autres, à nous hanter ou à nous « donner un coup de pouce si nous manquons à notre devoir ».
Chi-meegwetch, Mizhana Giizhik-iban.
Les péages des ponts et des traversiers
L’honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, je suis ravi de voir le leader du gouvernement de retour parmi nous. Il sait très bien que, le 1er août 2025, le premier ministre Mark Carney a annoncé que les péages des ponts et des traversiers dans le Canada atlantique seraient réduits d’au moins la moitié.
Tous les habitants du Canada atlantique bénéficient des retombées de cette décision. Par exemple, le péage du pont de la Confédération, propriété du gouvernement fédéral, a été réduit de 50,25 $ à 20 $. Les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard ne bénéficient d’aucun traitement de faveur, mais seulement de résultats attendus depuis longtemps. En effet, le pont Champlain à Montréal, dont la construction a coûté plus de 4 milliards de dollars, est sans péage, contrairement au pont de la Confédération, qui a coûté 1 milliard de dollars. Pourtant, les deux ponts appartiennent au gouvernement du Canada. Les Insulaires se demandaient depuis longtemps pourquoi cette approche « deux poids, deux mesures », qui permettait à certains Canadiens de bénéficier d’un pont sans péage tandis que d’autres devaient payer 50 $, n’était pas corrigée.
Aussi fréquenté et important soit-il, le pont Champlain n’existe pas pour répondre à une exigence constitutionnelle, contrairement au pont de la Confédération. En 1873, comme condition à l’adhésion de la province au Canada, le gouvernement du Canada a pris l’engagement constitutionnel envers les Insulaires d’assurer une « liaison permanente » entre l’Île-du-Prince-Édouard et le reste du pays. Cette promesse a finalement pris la forme d’une liaison fixe permanente, le pont de la Confédération, un projet qui a nécessité une modification à la Constitution canadienne en 1993 précisant qu’« un ouvrage de franchissement reliant l’Île et le continent » répondait à cette exigence.
Le 1er août dernier, les droits de péage ont été réduits de 101,05 $ à 50,55 $ pour la liaison de Marine Atlantique entre le Cap-Breton et Port aux Basques, à Terre-Neuve-et-Labrador; de 215,55 $ à 107,80 $ pour la liaison de Marine Atlantique entre le Cap-Breton et Argentia, à Terre-Neuve-et-Labrador; de 128 $ à 64 $ pour le service de traversier entre Saint John, au Nouveau-Brunswick, et Digby, en Nouvelle-Écosse; de 110,15 $ à 55,10 $ pour le service de traversier entre les îles de la Madeleine, au Québec, et Souris, à l’Île-du-Prince-Édouard; et de 86 $ à 43 $ pour le service de traversier entre Wood Islands, à l’Île-du-Prince-Édouard, et Caribou, en Nouvelle-Écosse. La suppression de ces obstacles aux déplacements et au commerce dans le Canada atlantique permettra de bâtir un avenir meilleur pour tous, et je suis convaincu que tous les sénateurs du Canada atlantique se joignent à moi pour remercier le premier ministre Carney.
Chers collègues, comme vous le savez, je suis favorable aux frais d’utilisation pour les infrastructures fédérales, mais je laisserai à d’autres le soin de défendre l’idée que le pont Champlain devrait être soumis à un péage.
Je tiens à remercier le premier ministre Carney de faire preuve d’engagement, de responsabilité et de progressisme.
Merci, chers collègues.
Visiteur à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Beverly Fullerton, ministre de la Santé, de la Santé mentale et des Dépendances pour la Nation métisse de la Saskatchewan. Elle est l’invitée des honorables sénatrices Pate et Muggli.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Les réalisations de sénatrices
L’honorable Tracy Muggli : Honorables sénateurs, en tant que présidente du Groupe progressiste du Sénat, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à des femmes exceptionnelles avec lesquelles j’ai eu le privilège de travailler au cours de la dernière année. J’ai pris l’habitude d’appeler ces femmes « nos quatre célébrités de 2025 ». Ces collègues sont des leaders de cœur qui nous aident à nous élever et qui ont leurs façons de faire et leur personnalité bien à elles.
La sénatrice Michèle Audette a récemment reçu un doctorat honorifique de l’Université Saint-Paul. Michèle rassemble les gens comme peu de gens savent le faire. Cette militante infatigable pour la réconciliation et pour la défense des femmes et des filles autochtones nous rappelle que nous devons écouter plus attentivement, croire en la force de notre voix et être des leaders empathiques.
La sénatrice Amina Gerba, agente de liaison du Groupe progressiste du Sénat, a été couronnée reine afroancestrale du Canada, et je dirais bien franchement que ce titre lui va parfaitement. Amina a tissé des liens entre les communautés et a milité pour la participation des femmes dans le milieu des affaires. Elle a inspiré des entrepreneuses à rêver plus grand et à être des dirigeantes dynamiques et joyeuses, des qualités dont la sénatrice fait preuve partout où elle va.
(1410)
La sénatrice Judy White, la leader adjointe du Groupe progressiste du Sénat, a été nommée membre de la Bertha Wilson Honour Society de la faculté de droit Schulich de l’Université Dalhousie, qui rend hommage aux anciens étudiants exceptionnels et à leur contribution au droit et à la fonction publique. Elle est terre-à-terre, réfléchie et pleine d’humour. Elle apporte une voix posée et un esprit vif à chaque conversation, tant ici, dans cette enceinte, que dans notre famille progressiste.
Enfin, chers collègues, la sénatrice Wanda Thomas Bernard s’est vu décerner un doctorat honorifique de l’Université de Sheffield cette année, pour sa contribution exceptionnelle en tant que travailleuse sociale, éducatrice, chercheuse et militante communautaire.
La sénatrice Bernard a aussi reçu un prix qui porte désormais son nom : le tout premier prix Senator Wanda Thomas Bernard Legends. Il n’y a vraiment pas de meilleure façon de la décrire : c’est une légende vivante, vous en conviendrez tous, je pense. Wanda a passé sa vie à paver la voie aux autres et à veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte.
La sénatrice Bernard a toujours été une meneuse au sein de notre groupe, et cette distinction récompense le rôle de premier plan qu’elle a joué en dehors de cette enceinte, inspirant des générations entières à croire qu’elles ont leur place partout.
Ensemble, nos quatre célébrités nous rappellent les efforts que déploient tant de nos collègues, non seulement ici, à Ottawa, mais aussi dans les collectivités et régions un peu partout au pays.
Je suis reconnaissante de pouvoir vous compter parmi mes collègues et amies. Pour ma part, vous avez rendu cette première année au Sénat plus riche, plus agréable et bien plus inspirante que je n’aurais pu l’imaginer.
Félicitations, mesdames. Je nous souhaite encore de nombreuses années de collaboration, d’apprentissage et de rires partagés.
Merci, meegwetch.
Visiteur à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du Grand Chef Jerry Daniels, de la Southern Chiefs’ Organization. Il est l’invité des honorables sénatrices Osler et McCallum.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
Le décès de l’honorable Lise Bacon, C.M., G.O.Q.
L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs et sénatrices, c’est avec tristesse que je souhaite rendre hommage à une figure marquante de notre pays et de notre institution : l’honorable sénatrice Lise Bacon, qui est décédée la semaine dernière.
Par son cheminement et son engagement, Mme Bacon a tracé une voie d’excellence. Elle a su, au fil d’une vie publique consacrée au service, marquer l’histoire du Québec et du Canada.
Née à Salaberry-de-Valleyfield et élevée à Trois-Rivières, elle a été de celles qui ne se contentent pas d’être spectatrices, mais qui agissent.
Elle a été la deuxième femme élue à l’Assemblée nationale du Québec en 1973, après Claire Kirkland-Casgrain. Elle est devenue la première femme nommée vice-première ministre du Québec.
Après un passage dans le milieu des affaires de 1976 à 1981, elle a été réélue députée pour le Parti libéral du Québec en 1981, 1985 et 1989. Son apport ne s’est pas limité à des titres ou à des fonctions officielles; ce qui la distinguait, c’était son souci de la collectivité et sa conviction que la politique devait être un instrument de progrès et d’équité.
Elle a été, pour de nombreuses femmes et pour tous ceux qui espéraient, un exemple vivant prouvant que l’engagement public est compatible avec l’intégrité et la persévérance.
Élue au sein du gouvernement du premier ministre Robert Bourassa, elle était un pilier, un phare qui indiquait la voie à suivre.
J’ai toujours été impressionné par sa prestance et son charisme, mais elle n’était pas distante; au contraire, Mme Bacon était une femme chaleureuse, à l’écoute et authentique.
En tant que sénatrice, à partir de janvier 1994, elle a poursuivi sa mission en apportant au Sénat du Canada toute la sagesse de son expérience et toute la passion de son engagement. Elle a quitté le Sénat le 25 août 2009, deux jours avant que j’y sois nommé. Je regrette beaucoup de ne pas avoir eu le privilège de la côtoyer de nouveau comme collègue dans cette enceinte.
Je veux adresser mes pensées à la famille et aux proches de Mme Bacon. Je leur présente mes sincères condoléances et ma reconnaissance pour tout ce qu’a accompli cette femme remarquable.
Merci, madame Bacon, pour votre contribution inestimable à la société québécoise et canadienne.
[Traduction]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Norah et Kate Arnold, des membres de la famille de l’honorable sénatrice Arnold.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique
Les créateurs de musique canadiens
L’honorable René Cormier : Honorables sénateurs, ce vendredi 7 novembre, la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, ou SOCAN, invite tout le monde à célébrer la première journée des créateurs de musique canadiens, en l’honneur de l’anniversaire de la célèbre auteure-compositrice-interprète Joni Mitchell, originaire de l’Alberta.
Cette date vise à reconnaître et à honorer le travail remarquable de tous ceux qui, grâce à leur talent et à leur créativité, façonnent la trame sonore de notre pays.
[Français]
Forte de ses 200 000 membres, la SOCAN, qui célèbre ses 100 ans cette année, milite pour une rémunération équitable du travail de ses membres, afin que les créateurs de musique soient dûment payés.
Or, les statistiques sont très inquiétantes : moins de 10 % de la musique diffusée en continu au Canada sur les plateformes numériques d’écoute en ligne provient de créateurs canadiens.
Pourtant, un récent sondage mené par Pollara pour le compte de la SOCAN a révélé que 81 % des Canadiens estiment qu’il est essentiel de soutenir les créateurs de musique locaux pour faire en sorte que notre culture demeure dynamique et florissante pour les générations futures, et 87 % des répondants ont affirmé qu’il est important que la musique qu’ils écoutent soit créée par des humains, et non par l’intelligence artificielle.
Selon un article d’Howard Druckman publié dans Paroles & Musique le 14 octobre dernier, et je cite :
[La] SOCAN et d’autres leaders de l’industrie ont récemment comparu devant le Comité permanent du Patrimoine canadien [...] Il a été suggéré que le gouvernement oblige les entreprises d’Intelligence artificielle à faire preuve de plus de transparence quant aux œuvres musicales protégées par le droit d’auteur qu’elles utilisent. Cette transparence aidera les ayants droit à repérer quand leur musique est utilisée, et permettra de mettre en place un véritable système de licences pour l’IA, afin que les créateur·trice·s soient rémunéré·e·s pour leur travail.
[Traduction]
Honorables sénateurs, si nous nous soucions véritablement de notre souveraineté culturelle et économique, nous devons en faire davantage pour soutenir nos créateurs locaux et adopter des lois et des règlements appropriés afin de maintenir une industrie musicale durable, innovante et inclusive.
Des artistes autochtones tels que Dominique Fils-Aimé, Jeremy Dutcher et Elisapie, aux auteurs-compositeurs-interprètes francophones comme Ariane Moffatt, Pierre Lapointe, Lisa LeBlanc et Les Hay Babies, en passant par les icônes légendaires Joni Mitchell, Sarah McLachlan et Édith Butler, tous ces artistes créent des œuvres qui font rayonner le Canada sur les scènes du monde entier.
[Français]
Platon, philosophe grec, affirmait, et je cite : « La musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée. »
On dit aussi qu’elle a un pouvoir guérisseur extraordinaire. Alors, fort de ces constats et ces affirmations, le 7 novembre prochain et toute l’année, j’invite les citoyennes et citoyens de notre pays à écouter, partager et célébrer la musique d’ici.
[Traduction]
Soutenir nos artistes, c’est soutenir notre culture, notre économie créative et le patrimoine vivant de notre pays. En célébrant nos créateurs, nous affirmons notre identité : celle d’un pays qui croit au pouvoir de l’art et des artistes.
[Français]
Bonne journée des créateurs de musique canadienne ce vendredi.
[Traduction]
Merci, meegwetch.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Victor Tesolin, caporal-chef à la retraite de la Royal Canadian Horse Artillery. Il est accompagné de Kristin Scarfone. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Hay.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
Edmond Daigle
Félicitations à l’occasion de son centième anniversaire de naissance
L’honorable Rose-May Poirier : Honorables sénateurs et sénatrices, je prends la parole aujourd’hui pour partager avec vous l’histoire inspirante de M. Edmond Daigle, qui célébrera jeudi prochain, le 13 novembre, son 100e anniversaire de naissance.
Vétéran de la Deuxième Guerre mondiale et fier membre de la Légion royale canadienne de Richibucto, M. Daigle s’est enrôlé le 10 novembre 1944, trois jours avant de fêter ses 20 ans.
À son retour au pays en 1946, il reprend le cours de sa vie et fait plusieurs métiers. Il se marie à 30 ans et devient le fier papa de trois filles, Maria, Yvette et Yvonne, qui, à leur tour, ont choisi de servir la population en devenant infirmières.
Tout au long de sa vie, M. Daigle s’est dévoué à sa communauté et à sa Légion, où il demeure un membre actif. Encore aujourd’hui, à 99 ans, il continue de participer à la vie communautaire.
(1420)
Je le croise tous les dimanches à l’église. Il étudie toujours la Bible. De plus, savez-vous où l’on peut le retrouver le samedi soir? À la danse! Voilà une belle preuve qu’il n’y a pas d’âge pour bouger, s’amuser et profiter pleinement de la vie.
Au fil des ans, j’ai souvent évoqué des personnes comme M. Daigle au Sénat et Mme Flora Thibodeau, une autre membre de cette génération remarquable, qui nous inspireront jour après jour. Leur parler, c’est voyager à travers une histoire moderne, du passage des premières voitures sur les routes à l’arrivée de la télévision jusqu’au premier homme à marcher sur la Lune. Je tiens aussi à souligner que M. Daigle, comme mon père, a servi pendant la Deuxième Guerre mondiale. Mon père nous a quittés peu après son retour du service. Chaque fois que je revois M. Daigle, je retrouve l’image de mon père et de toute cette génération courageuse qui a répondu à l’appel du devoir tout en sacrifiant sa liberté pour préserver la nôtre.
À tous les vétérans comme M. Daigle qui sont encore parmi nous et à ceux qui nous ont quittés, je dis merci. Nous nous souviendrons d’eux.
Honorables sénateurs et sénatrices, je vous invite à vous joindre à moi pour souligner la vie remarquable de M. Edmond Daigle et pour lui souhaiter un très joyeux anniversaire pour ses 100 ans. Merci.
Des voix : Bravo!
Visiteur à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Isabelle Hudon, présidente et cheffe de la direction de la Banque de développement du Canada. Elle est l’invitée de l’honorable sénateur Forest.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
AFFAIRES COURANTES
L’Assemblée parlementaire de la Francophonie
La réunion du Bureau et la Conférence parlementaire sur la coopération francophone en matière d’agriculture durable, de sécurité alimentaire et de changement climatique, tenues du 21 au 24 janvier 2025—Dépôt du rapport
L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant la réunion du Bureau de l’APF et la Conférence parlementaire sur la coopération francophone en matière d’agriculture durable, de sécurité alimentaire et de changement climatique, tenues à Can Tho, au Vietnam, du 21 au 24 janvier 2025.
Les réunions du Réseau des femmes parlementaires et du Réseau des jeunes parlementaires, tenues les 20 et 21 mai 2025—Dépôt du rapport
L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant les réunions du Réseau des femmes parlementaires et du Réseau des jeunes parlementaires de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, tenues à Québec, au Québec, les 20 et 21 mai 2025.
La réunion du Bureau et la session annuelle, tenues du 9 au 13 juillet 2025—Dépôt du rapport
L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant la réunion du Bureau et la 50e session annuelle, tenues à Paris, en France, du 9 au 13 juillet 2025.
[Traduction]
Pêches et océans
L’étude sur les populations de phoques—Préavis de motion tendant à autoriser le comité à demander au gouvernement une réponse au huitième rapport du comité déposé pendant la première session de la quarante-quatrième législature
L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours, je proposerai :
Que, conformément à l’article 12-23(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement au huitième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, intitulé Assurer l’avenir de la chasse au phoque : passons à l’action, qui a été déposé auprès de la greffière du Sénat le 23 mai 2024, et adopté par le Sénat le 24 septembre 2024, durant la première session de la quarante-quatrième législature, la ministre des Pêches étant désignée ministre chargée de répondre à ce rapport, en consultation avec la ministre des Affaires étrangères et le ministre du Revenu national.
La valeur du tourisme pour l’édification du pays
Préavis d’interpellation
L’honorable Karen Sorensen : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :
J’attirerai l’attention du Sénat sur l’importance du tourisme pour le développement national au Canada.
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les ressources naturelles
Le secteur de l’énergie
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Bon retour parmi nous, monsieur le leader du gouvernement. Vous nous avez manqué ces dernières semaines.
Dans le cadre du sommet asiatique qui s’est tenu la semaine dernière, le premier ministre Carney a déclaré que le Canada était une superpuissance énergétique incontestable. Il a exhorté les pays d’Asie à nous considérer comme un partenaire commercial fiable pour le pétrole, le gaz et les minéraux critiques.
Pourtant, sous son gouvernement, le secteur canadien de l’énergie est étouffé par des politiques qui freinent les investissements, retardent les projets et font fuir les capitaux vers d’autres horizons. C’est notamment le cas des projets de loi C-48 et C-69, du plafonnement des émissions et de la taxe sur le carbone.
Comment le premier ministre peut-il se rendre à un forum international, regarder les dirigeants d’autres pays dans les yeux et qualifier le Canada de superpuissance énergétique alors que son gouvernement nuit systématiquement au secteur canadien de l’énergie et continue de faire fuir les investissements étrangers?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de vos bons mots. Tout comme vous, la période des questions m’a beaucoup manqué ces deux dernières semaines.
Pour répondre à votre question, sénateur Housakos, le premier ministre s’est rendu dans la région indo-pacifique, l’une des régions qui croissent le plus rapidement au monde, afin d’accroître les possibilités de commerce et d’investissement pour les Canadiens. Le gouvernement a également annoncé le lancement de négociations sur un accord de libre-échange avec les Philippines et la Thaïlande, négociations auxquelles il a donné l’impulsion initiale.
Les statistiques nous montrent que, généralement, dans les six années qui suivent la conclusion d’un accord de libre-échange, les échanges commerciaux doublent, ce qui signifie davantage de débouchés pour les travailleurs canadiens au Canada. Le nouveau gouvernement se concentre sur l’ouverture des marchés, la création de débouchés partout au pays et le doublement des exportations à l’extérieur des États-Unis.
Le premier ministre s’est lui-même engagé à faire du Canada une superpuissance énergétique. Vous devriez attendre le budget de cet après-midi pour voir si le premier ministre respecte son engagement ou non.
Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, le monde entier convoite ce que nous avons, et nous avons ce que le monde entier convoite. Ce n’est pas très compliqué. Ce dont nous avons présentement besoin, c’est d’un premier ministre qui s’engage à libérer le potentiel énergétique du pays. Si on ne nous dit pas que le gouvernement est prêt à abroger les dispositions issues des projets de loi C-48 et C-69, à supprimer le plafond d’émissions et, essentiellement, à supprimer une fois pour toutes la taxe sur le carbone pour les industries, cela signifie que le gouvernement n’est pas sérieux. Êtes-vous prêt à faire tout cela aujourd’hui dans le budget?
Le sénateur Moreau : Vous savez très bien que ce n’est pas moi qui prononcerai le discours sur le budget. Le gouvernement souhaite bâtir le Canada et en faire une superpuissance énergétique, tant dans le domaine des énergies conventionnelles que dans celui des énergies propres, tout en réduisant les émissions. C’est l’engagement qu’a pris le gouvernement, et on l’a réitéré à maintes reprises.
Le gouvernement a pour objectif de favoriser les projets d’intérêt national qui rassemblent les Canadiens en veillant à ce que ces projets soient évalués efficacement. Comme l’a déclaré le premier ministre, tout projet, qu’il s’agisse d’un oléoduc ou d’autre chose, sera…
Son Honneur la Présidente : Merci, sénateur Moreau.
[Français]
La justice
Les peines minimales obligatoires
L’honorable Claude Carignan : Bon retour, monsieur le leader.
Le 31 octobre dernier, la Cour suprême du Canada a déclaré inconstitutionnelles les peines minimales obligatoires d’un an d’emprisonnement pour possession de pornographie juvénile ou accès à cette dernière, un crime odieux s’il en est un.
Face à cette décision partagée rendue à cinq voix contre quatre, à l’instar de la majorité des Canadiens, le premier ministre néo-démocrate du Manitoba, M. Wab Kinew, a dénoncé vivement ce jugement :
Les images et les vidéos pédopornographiques sont l’une des pires choses possibles. Non seulement les coupables devraient être condamnés à une longue peine de prison, mais on devrait les enterrer sous la prison. Ils ne devraient pas bénéficier d’une détention protégée.
Monsieur le leader, êtes-vous d’accord avec le premier ministre néo-démocrate du Manitoba pour condamner ce jugement de la Cour suprême?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour vos bons vœux, sénateur Carignan.
Le gouvernement est au courant de la décision partagée rendue par la Cour suprême. Il examine de quelle façon il pourrait agir sur ces crimes à l’avenir.
Il n’y a aucun doute que nous sommes d’accord avec la première partie de la déclaration du premier ministre, c’est-à-dire que les crimes liés à l’exploitation ou à l’abus d’enfants sont les plus répréhensibles et les plus odieux que l’on puisse commettre. On m’a informé que, dans les mois à venir, le gouvernement a l’intention d’introduire des mesures issues de sa campagne électorale pour mieux protéger les enfants de ces crimes horribles. Nous condamnons sans réserve les crimes commis ou toute forme d’abus à l’égard des enfants.
(1430)
Le sénateur Carignan : Merci. Je vois que cette période de repos vous a permis de trouver des réponses aux questions. Je l’apprécie.
Le gouvernement compte-t-il également profiter de l’étude du projet de loi C-14 pour réintroduire les peines minimales en matière de pédocriminalité, un des crimes les plus odieux?
Le sénateur Moreau : Sénateur Carignan, je croyais avoir des réponses avant mon événement de santé. Je regrette que vous ne l’ayez pas constaté. Cependant, je vais tenter de continuer dans cette bonne direction.
Je vous indiquais que le gouvernement étudie à l’heure actuelle les conséquences du jugement de la Cour suprême. Les informations nous indiquent que le gouvernement entend agir rapidement sur ce type de crime, non seulement sur la question des crimes à l’égard des enfants, mais sur tout ce qui concerne les cautions.
[Traduction]
Les services publics et l’approvisionnement
L’approvisionnement auprès d’entreprises autochtones
L’honorable Tony Loffreda : Sénateur Moreau, bon retour parmi nous. Je suis heureux de vous revoir ici.
Le gouvernement s’est engagé à faire en sorte qu’au moins 5 % de la valeur totale des contrats fédéraux soient attribués chaque année à des entreprises autochtones. Cette initiative, qui doit être mise en œuvre en trois phases, devait être pleinement opérationnelle avant la fin de l’exercice 2024-2025. Quels sont les résultats des ministères en général? Ont-ils respecté l’échéance? Avez-vous une estimation du nombre d’entreprises autochtones qui ont bénéficié de ce programme jusqu’à présent et de la valeur économique totale de ces contrats?
J’ai lu hier dans les journaux qu’au cours des dernières années, environ 60 % des contrats d’une valeur totale d’environ 1 milliard de dollars annuellement ont été attribués à des entreprises autochtones, à Ottawa. Des collectivités d’un bout à l’autre du Canada devraient bénéficier de ce programme.
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour votre question, sénateur Loffreda.
L’adoption de la cible de 5 % pour l’approvisionnement a permis à des entreprises autochtones de recevoir plusieurs milliards de dollars en contrats, ce qui constitue un élément essentiel du soutien apporté par le gouvernement au développement économique des Autochtones et de la manière dont nous souhaitons faire affaire avec les communautés autochtones.
Au cours du dernier exercice, le gouvernement fédéral a dépassé l’objectif d’approvisionnement de 5 %. Il a attribué plus de 1,2 milliard de dollars de contrats à des entreprises autochtones, ce qui leur a permis d’intégrer des chaînes d’approvisionnement et d’élargir leurs activités. Ces entreprises ont ainsi pu contribuer à la création d’emplois à travers le Canada et générer des retombées pour les communautés autochtones.
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de cette réponse. À l’appui de cette initiative, le gouvernement s’est engagé à élaborer conjointement avec des partenaires autochtones une stratégie d’approvisionnement autochtone transformatrice. Lancé à l’automne 2022, le site Web du ministère nous apprend que ce dialogue est toujours en cours, mais rien n’indique que des séances de consultation aient été prévues depuis mars 2025. Quand pouvons-nous nous attendre à recevoir un rapport sur ces séances? Pourriez-vous nous faire part de certaines conclusions préliminaires ou de certains thèmes qui sont ressortis des discussions jusqu’à présent?
Le sénateur Moreau : Malheureusement, je ne peux pas vous faire part des conclusions préliminaires en ce moment. Je dirais que le nouveau gouvernement du Canada a été élu avec le mandat clair de veiller à ce que les programmes et les politiques produisent des résultats plus intelligents, plus rapides et plus efficaces, et cela inclut les programmes et les politiques qui touchent les communautés autochtones. En collaboration avec Soutien en approvisionnement Canada, le gouvernement aide les entreprises autochtones de partout au Canada à accéder aux marchés octroyés par l’État fédéral. Cependant, il reste du travail à faire, et le gouvernement en est conscient.
L’emploi et le développement social
L’équité en matière d’emploi
L’honorable Donna Dasko : Bon retour, sénateur.
Dans le budget de 2024, en réponse aux recommandations faites en 2023 par le Groupe de travail sur l’examen de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, le gouvernement avait promis d’élargir la définition des « groupes désignés » dans la législation sur l’équité en matière d’emploi, notamment dans le but d’ajouter deux groupes — les personnes noires et les personnes 2ELGBTQI+ —, de remplacer le terme « Autochtones » par le terme « travailleurs autochtones » et le terme « minorités visibles » par le terme « travailleurs racisés » et de mettre à jour les définitions connexes, ainsi que d’aligner la définition de « personnes handicapées » sur celle de la Loi canadienne sur l’accessibilité afin de la rendre plus inclusive.
Ma question est la suivante : quand le gouvernement mettra-t-il ces changements en œuvre?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour votre question. Je n’ai pas de réponse précise à vous donner à ce sujet, mais je vais certainement en parler à la ministre. Je vous répondrai dès que possible et vous ferai savoir si un échéancier ou une date précise ont été fixés pour la mise en œuvre de ces mesures par le gouvernement.
La sénatrice Dasko : Il n’est peut-être pas nécessaire de poser une question complémentaire, mais compte tenu de l’ampleur des changements recommandés, quelles mesures comptez-vous mettre en place pour garantir la reddition de comptes et la transparence lors de la mise en œuvre de ces changements? Merci.
Le sénateur Moreau : J’aborderai cette question avec la ministre avec le même engagement que pour la première question et je vous reviendrai très rapidement avec la réponse.
Les transports
Les biens-fonds de Pickering
L’honorable Robert Black : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Bon retour parmi nous, cher collègue.
Sénateur Moreau, en 1972, le gouvernement a acquis 18 600 acres au nord-est de Toronto, connus sous le nom de biens-fonds de Pickering, pour y construire un futur aéroport. En 2015, Transport Canada a transféré environ 4 700 acres à Parcs Canada pour la création du parc urbain national de la Rouge. Puis, en 2017, 5 200 acres supplémentaires ont été transférées, le gouvernement conservant 8 700 acres pour un éventuel aéroport. À cette époque et jusqu’en 2024, les terres restantes ont été données en location par Transports Canada à des fins diverses, notamment agricoles. Sénateur Moreau, en janvier 2025, votre gouvernement a annoncé ceci :
[…] les biens-fonds de Pickering ne seront pas utilisés pour un futur site aéroportuaire. Le gouvernement du Canada a l’intention de transférer les terres à haute valeur de conservation à Parcs Canada.
Sénateur Moreau, quels sont les plans de votre gouvernement pour les biens-fonds de Pickering et qui le gouvernement a-t-il invité à participer au processus de consultation initial?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, sénateur Black, pour vos bonnes paroles. Comme vous l’avez mentionné, le gouvernement a annoncé son intention de transférer à Parcs Canada certaines parcelles des biens-fonds de Pickering ayant une grande valeur de conservation afin d’agrandir le parc urbain national de la Rouge. Je peux confirmer qu’Agriculture et Agroalimentaire Canada, de concert avec Innovation, Sciences et Développement économique Canada, qui est responsable du développement rural, participent aux discussions à ce sujet. De plus, à titre de gardien des biens-fonds de Pickering, Transports Canada collabore étroitement avec Parcs Canada, Services publics et Approvisionnement Canada, la Société immobilière du Canada, et Logement, Infrastructures et Collectivités Canada. Le gouvernement collaborera aussi très étroitement avec ses partenaires autochtones, provinciaux et municipaux.
Je tiens à vous assurer, sénateur, que les consultations publiques garantiront la reconnaissance des divers points de vue de la collectivité et des parties intéressées.
Le sénateur Black : Pourriez-vous, je vous prie, informer le Sénat de la date à laquelle seront lancées les consultations publiques auprès des collectivités entourant les biens-fonds de Pickering et du temps qu’elles dureront? Pourriez-vous également rassurer les Canadiens que le gouvernement n’approuvera à l’avenir aucun plan d’aménagement sur des terres agricoles de première qualité dont on a besoin pour produire les aliments que nous mangeons tous, trois fois par jour, sept jours par semaine, 365 jours par année, et ce, ni sur les biens-fonds de Pickering ni sur d’autres terres agricoles considérées comme étant de première qualité?
Le sénateur Moreau : Je vous remercie pour votre question, sénateur, et je vous reviendrai à savoir quand les consultations auront lieu et combien de temps elles dureront.
[Français]
La sécurité publique
Le travail forcé et le travail des enfants
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Moreau, cette année, un peu plus de 5 000 entreprises faisant affaire au Canada ont fait rapport de leurs efforts pour limiter les risques de travail forcé et de travail des enfants dans leur chaîne d’approvisionnement. C’est 1 000 entreprises de moins qu’en 2024, soit la première année de mise en vigueur de la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement, projet de loi que j’ai marrainé.
Pourquoi ce recul important? Qu’est-ce qui explique la piètre performance des institutions fédérales qui devraient donner l’exemple, alors que la moitié d’entre elles n’ont rien fait pour se conformer à cette loi?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. C’est une des raisons pour lesquelles je m’ennuyais de la période des questions. Il y a une information que je tiens à vous donner sur le nombre d’entreprises qui ont fait rapport de leurs efforts, et sur la différence entre 2024 et 2025.
(1440)
Depuis 2024, avec la mise en œuvre de la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement, les compagnies et entreprises canadiennes sont autorisées à soumettre des demandes conjointes. Ces demandes peuvent englober, par exemple, les sociétés mères et leurs filiales. Or, en 2025, 40 % des rapports qui ont été déposés par les compagnies étaient des rapports conjoints qui incluaient les sociétés mères et les filiales, ce qui représente environ 1 652 rapports. Cela pourrait expliquer la différence entre les chiffres que vous supposez pour 2024 et 2025.
Pour ce qui est des entités intergouvernementales, j’y reviendrai probablement avec votre question complémentaire.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je ne suis pas certaine que nous nous entendions sur les chiffres.
Plus concrètement, des produits issus du travail forcé des Ouïghours en Chine entrent encore à pleine porte à la frontière canadienne, notamment les dattes rouges et des produits à base de tomate qui proviennent de la province du Xinjiang. Pourquoi le gouvernement ne respecte-t-il pas les promesses qu’il a faites précédemment et ne donne-t-il pas davantage de moyens à l’Agence des services frontaliers du Canada pour qu’elle exerce ce mandat précis?
Le sénateur Moreau : Je ne peux pas vous indiquer s’il y a des sommes qui sont spécifiquement dévolues à l’Agence des services frontaliers du Canada pour ce type d’infractions, mais je sais que les crédits accordés à l’agence ont substantiellement augmenté.
Par rapport aux chiffres que vous avez mentionnés, je serais très heureux de les partager avec vous pour voir s’ils sont réconciliables avec les données que vous avez, soit 5 176 entreprises, alors qu’il y a 1 652 rapports conjoints qui viendraient se soustraire aux chiffres que vous nous avez donnés.
[Traduction]
Les affaires mondiales
Le soutien à l’Ukraine
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Sénateur Moreau, un rapport récent de la Fondation du Comité pour la liberté à Hong Kong et du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne a révélé que des technologies développées au Canada, d’une valeur de plusieurs millions de dollars, ont fini dans des armes russes utilisées contre l’Ukraine, après avoir été expédiées par l’intermédiaire de sociétés fictives basées à Hong Kong. Le rapport souligne également que l’application de nos sanctions n’a pratiquement rien fait pour empêcher ces transferts. Pendant ce temps, nos alliés, notamment les États-Unis et le Royaume-Uni, ont sanctionné ces mêmes intermédiaires de Hong Kong, mais pas le Canada.
Monsieur le leader, comment le gouvernement que vous représentez peut-il prétendre soutenir l’Ukraine, alors qu’il n’est même pas capable d’empêcher les technologies canadiennes de défense d’aider la machine de guerre de Poutine?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Il est tout à fait clair que le gouvernement du Canada — et pas seulement le gouvernement fédéral, mais tous les gouvernements du pays — soutient fermement l’Ukraine. Je ne pense pas que la question spécifique que vous posez ait quoi que ce soit à voir avec l’intention du gouvernement du Canada de soutenir fermement le peuple ukrainien. Le gouvernement a indiqué très clairement que l’agression russe est inacceptable et que nous soutiendrons l’Ukraine quoi qu’il arrive, et je dirais même pour toujours.
La sénatrice Martin : Les gestes sont plus éloquents que les paroles. Sénateur Moreau, votre gouvernement ne manque jamais une occasion de créer de nouveaux postes et fonctions pour récompenser les alliés du Parti libéral, comme le poste de représentante spéciale pour la reconstruction de l’Ukraine de Chrystia Freeland, mais il pose très peu de gestes concrets pour corriger une erreur fatale.
Votre gouvernement s’engagera-t-il à sanctionner immédiatement les entités hongkongaises mentionnées dans le rapport?
Le sénateur Moreau : En fait, je pense que le gouvernement a clairement montré qu’il soutient l’Ukraine. Nous savons tous que le gouvernement canadien dépense des millions de dollars pour aider l’Ukraine et condamne l’invasion inacceptable par la Russie.
Les anciens combattants
L’accès aux soins de santé
L’honorable Salma Ataullahjan : Monsieur le leader du gouvernement, plus tôt cette année, les anciens combattants du Canada ont appris que le ministère censé prendre soin d’eux va maintenant limiter considérablement la couverture offerte pour la thérapie par ondes de choc, un traitement auquel des centaines d’anciens combattants ont recours pour leurs douleurs chroniques et d’autres blessures subies dans le cadre de leur service militaire. Anciens Combattants Canada prévoit maintenant de limiter la couverture offerte pour cette thérapie à seulement trois séances à vie. Les anciens combattants sont évidemment déçus de cette décision, d’autant plus que le ministère de la Défense nationale dépense des milliards de dollars pour mettre en place de nouveaux organes bureaucratiques en vue de dépenser des milliards de dollars supplémentaires en contrats d’approvisionnement.
Monsieur le leader, pourquoi le gouvernement fait-il des économies de bouts de chandelle lorsqu’il est question de la santé et du bien-être des femmes et des hommes courageux qui ont déjà tant sacrifié pour notre pays?
Des voix : Bravo!
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement a dit clairement qu’il voulait investir dans les Forces armées canadiennes. Je ne suis pas d’accord pour dire qu’on ne prend pas soin des anciens combattants. Je suis sûr qu’il faut en faire plus, mais le gouvernement est déterminé à soutenir les Forces armées canadiennes.
Des gens de ma propre famille ont combattu pendant la Seconde Guerre mondiale. Je suis tout à fait prêt à porter à l’attention du gouvernement toute question concernant les soins offerts aux membres des forces armées et aux anciens combattants. Je sais qu’il y a un visiteur à la tribune, et je pense qu’il doit comprendre que le gouvernement canadien est solidaire des Forces armées canadiennes.
La sénatrice Ataullahjan : Sénateur Moreau, votre gouvernement va-t-il revenir sur sa décision insensible et veiller à ce que les anciens combattants continuent de recevoir les traitements indispensables auxquels ils ont droit?
Le sénateur Moreau : Je prends bonne note de votre question et je la soulèverai auprès de la ministre.
Les finances
Les Comptes publics
L’honorable Krista Ross : Bon retour, sénateur Moreau. Je vais vous poser une question similaire à celle que j’ai posée à votre prédécesseur il y a presque exactement un an.
Au cours de la dernière décennie, le vérificateur général signait généralement son rapport indépendant en septembre, et le gouvernement déposait les comptes publics avant la fin octobre. Ce n’était évidemment pas le cas l’année dernière, puisque les comptes publics ont été déposés le 17 décembre, soit très près de la date limite prévue par la Loi sur la gestion des finances publiques. Votre prédécesseur a répondu l’année dernière que le Conseil du Trésor avait confirmé qu’il modifierait le plan directeur de production des Comptes publics et que ceux-ci seraient déposés avant le 15 octobre à compter de 2025.
Eh bien, la date habituelle et la nouvelle échéance sont toutes deux passées. Quand les comptes publics seront-ils déposés?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Je n’ai pas la réponse à votre question, mais je la poserai au ministre. Parallèlement, je vais passer en revue ce que mon prédécesseur vous a dit l’année dernière et je ne manquerai pas de vous revenir avec une réponse.
La sénatrice Ross : Merci. Dans le cadre de la réponse de votre prédécesseur, il nous a fait savoir que les tâches incluses dans le plan directeur seraient attribuées aux organisations chargées de produire les comptes publics et qu’elles comporteraient des échéances précises afin de respecter la date de présentation prévue.
Étant donné que nous n’avons pas respecté la nouvelle date de présentation, êtes-vous en mesure d’identifier les organisations qui n’ont pas respecté les échéances associées à leurs tâches?
Le sénateur Moreau : De toute évidence, je n’ai pas la réponse à cette question pour le moment, mais je vais me renseigner et je vous reviendrai avec la réponse.
Les affaires mondiales
Les relations sino-canadiennes
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, le premier ministre — qui devait jouer du coude, mais qui courbe plutôt l’échine — n’a pas été en mesure de tenir la promesse la plus importante des élections d’avril, à savoir la conclusion d’un accord commercial avec les États-Unis. Toutefois, il n’a eu aucun mal à se précipiter à Pékin pour rencontrer le dictateur le plus infâme de la dictature la plus infâme afin de tenter de négocier un accord commercial.
La question est simple : il y a un an, juste avant la prorogation, nous nous sommes empressés d’adopter la Loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère parce que le Service canadien du renseignement de sécurité, la GRC et de nombreuses autres organisations au pays ont informé le gouvernement du comportement répréhensible de Pékin et de la Chine qui infiltraient notre économie, nos institutions, etc.
Soit dit en passant, un an plus tard, la Loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère que nous avons adoptée ici même n’est toujours pas en vigueur. Trouvez-vous logique que le premier ministre ne consacre pas le temps nécessaire à notre partenaire économique du Sud, qui représente 30 billions de dollars, mais qu’il se précipite à Pékin pour négocier avec un dictateur?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : J’ai dit tout à l’heure que, pendant ce qu’on appelle la « tournée asiatique », le premier ministre a diversifié l’économie canadienne. Vous savez que l’économie mondiale est en pleine évolution et que l’économie américaine est en train de changer radicalement.
Nous essayons de bâtir une économie plus forte et, pour ce faire, nous devons exploiter de nouveaux marchés. C’est exactement ce que le premier ministre est en train de démontrer grâce à son leadership. Il se déplace pour discuter avec d’autres dirigeants dans le monde afin de renforcer l’économie canadienne, de sorte que nous ne dépendions pas d’un seul partenaire majeur, mais que nous diversifiions notre économie. C’est ce que les Canadiens méritent, et je pense que le premier ministre vise l’intérêt supérieur de tous les Canadiens.
(1450)
Le sénateur Housakos : J’ai fait partie d’un gouvernement qui a signé 41 accords de libre-échange — c’est-à-dire le gouvernement de Stephen Harper —, et la plupart d’entre eux concernaient des pays de l’Asie-Pacifique. Je me permettrai de vous dire ceci : nous avons toujours accordé la priorité à notre premier partenaire commercial, qui a une économie de 30 billons de dollars dont dépend notre pays. Une fois de plus, la question est donc très simple. Nous comprenons tous le défi que représentent l’ingérence étrangère de Pékin et sa dictature infâme. Voilà que, sept mois après son arrivée au pouvoir, le gouvernement est soudainement retourné vers ses amis de Pékin, et c’est presque comme si les choses se passaient comme d’habitude pour le Parti libéral. N’êtes-vous pas aussi préoccupé que nous par cela?
Le sénateur Moreau : Comme vous le savez, sénateur Housakos, la diplomatie consiste à mener des discussions constructives et parfois difficiles. Je crois comprendre que, pendant son séjour à Pékin, la ministre Anand a rencontré son homologue pour discuter de questions délicates et déterminer les principaux domaines où le Canada et la Chine peuvent collaborer, notamment l’environnement, l’énergie et la santé.
Le gouvernement est déterminé à faire en sorte que le partenariat stratégique avec la Chine continue d’avancer de manière constructive et pragmatique, car nous devons bâtir une économie forte, et cela...
Son Honneur la Présidente : Merci.
Le patrimoine canadien
La Société Radio-Canada
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, CBC/Radio-Canada, le diffuseur financé par les contribuables qui reçoit plus de 1 milliard de dollars par année du gouvernement, est actuellement devant la Cour fédérale pour empêcher la divulgation du nombre d’abonnés à son service de diffusion en continu de langue anglaise Gem après que la commissaire à l’information du Canada a jugé que les arguments de CBC/Radio-Canada en faveur du secret de ces données étaient sans fondement. Cependant, au lieu de respecter la transparence, le diffuseur utilise les fonds publics pour dissimuler des renseignements de base qui permettraient aux Canadiens de déterminer si leur investissement donne des résultats.
Monsieur le leader, pourquoi les contribuables devraient-ils financer les avocats de CBC/Radio-Canada pour qu’ils les maintiennent dans l’ignorance?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement estime probablement que les Canadiens méritent que CBC/Radio-Canada soit bien financée par l’État. Cependant, comme vous faites mention d’un recours devant les tribunaux dans votre question, il ne m’appartient pas de faire des commentaires alors que la justice examine actuellement la révision et la procédure engagée par CBC/Radio-Canada. Je m’abstiendrai de tout commentaire à ce sujet, tout comme je m’abstiendrai de tout commentaire sur toute affaire dont est saisie une cour de justice.
La sénatrice Martin : Toutefois, tout l’argent que la société d’État dépense provient des contribuables. Je vous pose donc la question suivante, sénateur Moreau : votre gouvernement demandera-t-il à CBC/Radio-Canada d’abandonner cette coûteuse procédure judiciaire et de se conformer à la décision de la commissaire à l’information? Dans la négative, estimez-vous que les médias financés par l’État doivent être exemptés des lois sur la transparence qui s’appliquent à tout le monde?
Le sénateur Moreau : CBC/Radio-Canada a le droit de décider s’il est nécessaire ou non de contester cette décision devant les tribunaux. Comme elle a décidé de la contester, il ne m’appartient pas de commenter cette contestation au Sénat ou ailleurs. Nous devrons attendre de connaître la décision de la cour. Lorsqu’elle aura rendu sa décision, je serai heureux de répondre plus en détail à votre question.
ORDRE DU JOUR
Projet de loi modifiant la Loi sur les poids et mesures, la Loi sur l’inspection de l’électricité et du gaz, le Règlement sur les poids et mesures et le Règlement sur l’inspection de l’électricité et du gaz
Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable Toni Varone propose que le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur les poids et mesures, la Loi sur l’inspection de l’électricité et du gaz, le Règlement sur les poids et mesures et le Règlement sur l’inspection de l’électricité et du gaz, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je tiens tout d’abord à souligner que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel non cédé de la nation algonquine anishinaabe.
J’ai le plaisir aujourd’hui de m’adresser à vous dans le cadre de la deuxième lecture pour appuyer le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur les poids et mesures, la Loi sur l’inspection de l’électricité et du gaz, le Règlement sur les poids et mesures et le Règlement sur l’inspection de l’électricité et du gaz.
C’est un projet de loi vraiment passionnant, une lecture palpitante même. J’encourage tous les sénateurs à le lire. En fait, vendredi soir, après avoir fait la tournée des maisons pour Halloween, ma fille était plutôt nerveuse en rentrant à la maison et elle avait du mal à s’endormir. Elle m’a demandé : « Papa, tu peux me lire ton discours? » Je me suis plié à sa demande.
Sérieusement, les mesures liées au commerce touchent la vie quotidienne de tous les Canadiens. Que ce soit pour faire le plein d’essence, acheter des fruits et des légumes à l’épicerie ou payer la facture d’électricité, les Canadiens comptent sur des mesures précises et fiables.
Les transactions financières basées sur des mesures ont lieu dans pratiquement tous les grands secteurs industriels des chaînes d’approvisionnement commerciales et de détail. La précision des appareils utilisés pour acheter ou vendre des biens sur la base de mesures a un impact direct sur le portefeuille de l’ensemble des Canadiens.
La responsabilité du gouvernement à l’égard des lois et des exigences relatives à la mesure commerciale qui régissent l’exactitude et la fiabilité des mesures à l’achat et à la vente de marchandises est fondée sur la Loi constitutionnelle de 1867. Ces lois sont essentielles au fonctionnement équitable, efficace et concurrentiel du marché et contribuent à une économie forte et résiliente.
Mesures Canada, une agence d’Innovation, Sciences et Développement économique Canada, est responsable, d’un océan à l’autre, de l’administration et de l’application des lois canadiennes sur la mesure commerciale et de leurs exigences.
Dans le cadre de son mandat législatif, cette agence évalue et approuve les balances, les pompes à essence, les compteurs d’électricité et de gaz naturel, les chargeurs de véhicules électriques et d’autres appareils de mesure utilisés au Canada, et teste ces appareils et en certifie l’exactitude une fois qu’ils sont vendus sur le marché. L’agence calibre et certifie également les normes de tests physiques utilisées pour certifier les appareils et enquête sur les plaintes des entreprises et des consommateurs concernant des mesures présumées inexactes. L’agence continue de reconnaître les organisations du secteur privé pour qu’elles testent et certifient les appareils de mesure.
Les lois régissant l’exactitude et la fiabilité de l’achat et de la vente de marchandises mesurées ont bien servi les consommateurs et les entreprises pendant plusieurs décennies. Cependant, elles n’ont pas suivi le rythme de l’évolution du marché ni de l’ère numérique. Ces lois n’ont pas été revues en profondeur depuis les années 1980, une époque où les technologies de mesure prédominantes étaient mécaniques et où les transactions se faisaient sur papier. Ces lois sont entrées en vigueur avant l’avènement d’Internet et bien avant que les technologies mobiles et sans fil ne deviennent le moyen principal d’interaction entre les entreprises et leurs clients. Par conséquent, la réglementation en vigueur n’est pas conçue pour tenir compte des systèmes de mesure de plus en plus automatisés, appuyés par des logiciels et reposant sur des outils numériques.
Le cadre législatif actuel qui régit la mesure commerciale reflète l’époque où il a été créé. Il est statique, normatif, excessivement complexe et lourd. Les instruments prévus pour assurer le respect et l’application de ces lois sont limités et ils ont tendance à être punitifs plutôt que préventifs. Ils ne sont pas adaptables aux conséquences des infractions, ce qui se traduit par des sanctions qui ne correspondent pas toujours à la gravité de chaque infraction. Les lois doivent être améliorées afin de changer les comportements et d’améliorer le respect de la réglementation à l’échelle du marché.
Les technologies numériques jouent un rôle fondamental dans la façon dont les entreprises et les consommateurs interagissent sur le marché, et le rythme du développement technologique raccourcit sans cesse le cycle de vie des produits. Les lois sur la mesure commerciale qui régissent les transactions financières devraient en tenir compte — notamment en ce qui concerne l’achat et la vente de biens mesurés — et protéger les consommateurs et les entreprises. Cela contribuera à prévenir les pertes dues à des mesures inexactes ainsi que les pratiques commerciales déloyales, en plus d’encourager l’innovation, d’améliorer l’accès rapide aux avancées dans le domaine des technologies de mesure et de renforcer la capacité des entreprises à s’adapter à l’évolution constante du marché et des préférences des clients.
Afin de relever ces défis, le projet de loi modifie la Loi sur les poids et mesures et la Loi sur l’inspection de l’électricité et du gaz dans le but de moderniser le cadre canadien de la mesure commerciale.
Les modifications législatives proposées créeraient un cadre qui permettrait de réduire les obstacles à la réussite des entreprises, de réduire le fardeau des parties réglementées, de renforcer la protection des consommateurs et d’accroître l’efficacité de la prestation des services.
À titre d’exemple, grâce aux modifications proposées, la Loi sur les poids et mesures accordera aux fabricants une autorisation temporaire leur permettant d’introduire sans délai de nouvelles technologies de mesure sur le marché. Cela facilitera l’accès des Canadiens à des technologies de mesure et à des approches commerciales innovantes, en particulier dans les nouveaux secteurs en pleine expansion pour lesquels la recherche et le développement sont essentiels à la réalisation des objectifs, comme c’est le cas dans le secteur des carburants propres.
Cela permettra aussi aux entreprises d’acheter et d’utiliser de nouvelles technologies de mesure de pointe, tout en offrant des garanties suffisantes pour un contrôle efficace de leur rendement et en protégeant les entreprises et les consommateurs.
En plus d’offrir de nombreux autres services, les inspecteurs de Mesures Canada effectuent chaque année environ 10 000 inspections d’instruments de mesure sur le marché et, au besoin, peuvent imposer des mesures correctives. De plus, environ un million d’instruments de mesure sont certifiés par des fournisseurs de services tiers agréés par Mesures Canada pour effectuer des inspections. Chaque année, des milliers de nouveaux instruments de plus en plus complexes arrivent sur le marché, ce qui oblige l’organisme à adopter des approches fondées sur le risque et à optimiser son efficacité afin d’assurer une surveillance efficace du marché.
(1500)
Afin d’assurer une surveillance continue et de s’adapter à l’augmentation du nombre d’instruments de mesure commerciale et à l’amélioration de la technologie, les modifications proposées permettront à Mesures Canada d’introduire l’échantillonnage comme approche fondée sur le risque pour inspecter des instruments en vertu de la Loi sur les poids et mesures. Ces modifications permettront aux inspecteurs d’inspecter des milliers d’instruments du même type à l’aide d’un échantillonnage statistique. Cela accroîtra l’efficacité de la surveillance réglementaire et des activités de l’organisme dans son ensemble. L’échantillonnage en tant qu’approche fondée sur le risque pour le travail d’inspection n’est actuellement autorisé que dans le cadre de la Loi sur l’inspection de l’électricité et du gaz.
En augmentant le recours à des approches fondées sur le risque, Mesures Canada pourra se concentrer davantage sur la surveillance et la mise en œuvre de mesures correctives dans les domaines où les risques et les coûts associés à des mesures inexactes sont plus élevés. En outre, cela permettra à l’agence d’allouer davantage de ressources au traitement des plaintes des consommateurs et des entreprises liées à des inexactitudes présumées dans les mesures et à des pratiques commerciales déloyales.
Les modifications législatives proposées permettront à Mesures Canada de tirer parti d’outils modernes et d’améliorer sa prestation de services. Elles permettront d’offrir des services d’inspection rapides, accessibles et économiques, en particulier dans les régions difficiles d’accès, grâce à l’utilisation de technologies numériques pour obtenir l’accès, puis diagnostiquer et résoudre les problèmes à distance via Internet. Cela permettra au gouvernement de tirer parti des progrès des technologies numériques pour protéger les consommateurs et les entreprises contre les pertes dues à des mesures inexactes dans les endroits où l’accès aux services peut être limité à quelques fournisseurs. Cela réduira les frais de déplacement pour les services d’inspection et sera avantageux pour les propriétaires d’appareils qui doivent se conformer aux exigences de recertification obligatoires.
Les modifications permettront également de simplifier les processus et de réduire le fardeau réglementaire et administratif en créant des exemptions à l’ensemble des exigences qui peuvent être lourdes pour les petites entreprises, par exemple, celles qui vendent de l’électricité et du gaz naturel à des clients dans des parcs de caravanes de loisirs ou dans le cadre d’activités saisonnières. Le fardeau administratif lié au respect des exigences de la Loi sur l’inspection de l’électricité et du gaz peut être très lourd à porter pour les petites entreprises, en particulier lorsque leur activité principale n’est pas la vente d’électricité ou de gaz naturel. Les modifications proposées exempteraient ces entreprises de certaines exigences de la loi ou de la totalité d’entre elles.
Les garanties et les protections prévues dans les modifications proposées permettraient aux clients des entreprises exemptées de bénéficier du même niveau de protection contre les pertes éventuellement causées par des mesures inexactes que les clients des entreprises qui ne seraient pas exemptées.
Maintenant vous voyez pourquoi ma fille a eu besoin d’aide pour s’endormir.
Les modifications proposées au cadre canadien de mesure commerciale permettront au Canada de suivre le rythme de ses partenaires commerciaux internationaux. Alors que d’autres pays adoptent des approches plus rigoureuses et souples en matière d’exactitude des mesures commerciales, le Canada doit suivre leur exemple. Le Canada est un pays dont l’expertise dans le domaine des mesures commerciales est reconnue, mais il doit évoluer vers un cadre législatif plus souple et tourné vers l’avenir afin de rester compétitif à l’échelle mondiale, de réduire les obstacles involontaires au commerce et de maintenir la confiance de la communauté internationale à l’égard des transactions impliquant des mesures faites au Canada.
Un autre objectif important consiste à accroître l’efficacité opérationnelle afin de rationaliser les dépenses publiques liées à l’exécution des mandats législatifs et réglementaires.
Les modifications proposées élimineront les exigences administratives normatives, ce qui permettra l’utilisation de méthodes numériques axées sur les clients pour signaler l’accès à un lieu, le déplacement d’un appareil de mesure ainsi que les solutions appliquées pour remédier à l’inexactitude des mesures ou à des pratiques déloyales.
Certaines petites entreprises ne disposent pas de l’expertise nécessaire pour comprendre les exigences réglementaires et n’ont souvent pas le soutien ou les ressources nécessaires pour comprendre leurs obligations et s’y conformer. Les modifications proposées permettraient à Mesures Canada de collaborer avec les petites entreprises afin de prévenir la non-conformité en les aidant à établir des plans de contrôle préventif. Ces plans définiront une stratégie commerciale visant à déterminer, prévenir et éliminer les cas de non-conformité à la loi. Cela permettra de réduire l’inexactitude des mesures et les pertes potentielles pour les clients de ces entreprises, ainsi que d’éviter les sanctions liées à la non-conformité.
Actuellement, la Loi sur l’inspection de l’électricité et du gaz permet la vérification de compteurs d’électricité par échantillonnage, ce qui élimine la nécessité de tester et de vérifier la précision de chacun des millions de compteurs installés dans les résidences et les commerces partout au Canada. Les modifications proposées à la Loi sur les poids et mesures accorderaient le même pouvoir pour les balances et la vérification des compteurs d’énergie thermique.
J’aimerais maintenant parler d’autres modifications qui vont dans le sens de la modernisation des deux lois et les préparent pour l’avenir. La modernisation des deux lois offre l’occasion de modifier des définitions et d’introduire de nouveaux termes. Plusieurs changements sont proposés pour mieux servir le marché et préciser les fonctions de Mesures Canada prévues par les lois.
Par cette loi, le gouvernement propose d’élargir ou de remplacer plusieurs définitions pour permettre l’intégration de nouvelles technologies, de nouvelles façons de fonctionner et une plus grande souplesse dans la prestation des services.
Par exemple, il propose d’élargir la définition du terme « compteur » afin d’y inclure les logiciels et les composants numériques étant donné que les compteurs ne sont plus strictement mécaniques. Il prépare un avenir économique brillant dans un monde où les instruments de mesure sont de plus en plus connectés entre eux à distance.
Étant donné que de plus en plus de modes de transport sont utilisés pour fournir des services liés aux mesures commerciales, le projet de loi propose d’ajouter une définition de « véhicule ». Cette définition permettrait de préciser l’interprétation des lois. Les services fournis doivent protéger les consommateurs contre les mesures inexactes. Cette définition reflète le nombre croissant de services fournis à l’aide de divers types de véhicules, comme les systèmes intégrés directement dans les chariots élévateurs et les camions à ordures.
Le projet de loi remplace la définition de « vérificateur accrédité » par celle de « fournisseur de services autorisé », car les fonctions de ces travailleurs vont bien au-delà de la vérification de l’exactitude des compteurs. Les désigner comme fournisseurs de services autorisés leur donne la marge de manœuvre nécessaire pour élargir leurs fonctions et leurs pouvoirs. À mesure que les programmes se développent pour inclure l’inspection des nouveaux appareils de mesure pour les carburants propres, comme les bornes de recharge pour véhicules électriques, ou pour utiliser des approches numériques afin d’inspecter les appareils, les fonctions des fournisseurs de services autorisés pourraient être élargies.
Le projet de loi prévoit également l’abrogation de plusieurs dispositions obsolètes ou inutilisées, ce qui réduira le fardeau réglementaire pesant sur les entreprises. Le projet de loi abroge également les dispositions de la Loi sur l’inspection de l’électricité et du gaz obligeant les inspecteurs à effectuer des essais de tension sur les appareils, car de tels essais sont rarement effectués et sont jugés inutiles.
En outre, le projet de loi prévoit des modifications aux deux lois afin de corriger plusieurs incohérences dans des dispositions désuètes et préciser des pouvoirs législatifs afin qu’ils puissent être exercés en toute confiance et plus efficacement.
Grâce à ces changements, les inspecteurs de Mesures Canada pourront déterminer les montants à payer quand ils enquêtent sur un litige concernant une mesure inexacte. On pourra ainsi préciser que leur rôle dans les litiges ne consiste pas seulement à vérifier l’inexactitude, mais aussi à recalculer le montant réclamé dans la facture litigieuse.
Bien que de nature administrative, ces modifications proposent d’introduire une exigence législative visant à réviser les deux lois tous les 10 ans environ, afin qu’elles restent pertinentes et qu’elles répondent mieux aux besoins des Canadiens.
Enfin, afin de permettre l’entrée en vigueur harmonieuse de la mesure législative, celle-ci comprend plusieurs modifications corrélatives visant à mettre à jour toute disposition qui renvoie à d’autres dispositions modifiées par le présent projet de loi; par exemple, la mise à jour de diverses dispositions relatives aux infractions dans les deux lois afin de refléter les changements apportés aux pouvoirs des inspecteurs, de manière à assurer la cohérence dans l’ensemble.
Tout cela crée des dispositions transitoires reconnaissant que tout ce qui a été précédemment approuvé, autorisé ou délivré en vertu de l’actuelle Loi sur l’inspection de l’électricité et du gaz le restera dans la nouvelle loi.
Un cadre de mesure commerciale sain soutient une économie forte en contribuant à l’établissement d’un marché équitable et concurrentiel et à la confiance internationale des entreprises et des consommateurs. Les modifications législatives proposées feront entrer le cadre de mesure commerciale du Canada dans l’ère numérique et offriront la souplesse nécessaire pour continuer à suivre le rythme des technologies de mesure qui se perfectionnent sans cesse et des pratiques de mesure commerciale en constante évolution.
Les modifications permettront de tirer parti des outils modernes pour mieux servir les Canadiens grâce à l’utilisation d’approches numériques et d’échantillonnage, tout en améliorant la précision des mesures et en facilitant l’introduction plus rapide de nouvelles technologies de mesure.
En conclusion, le projet de loi réduira les formalités administratives, renforçant ainsi une économie solide où les entreprises et les consommateurs peuvent effectuer leurs transactions en toute confiance. Ces modifications permettront de mieux encadrer les mesures commerciales, non seulement pour le présent, mais aussi pour un avenir en rapide évolution. Honorables sénateurs, je vous remercie de votre temps et de votre indulgence. Je suis convaincu que vous reconnaissez, comme moi, les avantages de ces modifications pour le maintien de la compétitivité internationale du Canada.
Merci. Meegwetch.
Des voix : Bravo!
L’honorable Denise Batters : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question? Merci. Comme le Sénat est la Chambre de second examen objectif, les projets de loi du gouvernement sont en général présentés à la Chambre des communes. Bien sûr, ils peuvent également être présentés ici. Il est toutefois plus courant qu’ils soient d’abord présentés à la Chambre des communes, puis que nous en fassions un second examen, plus en détail. Pourquoi le gouvernement du Canada a-t-il décidé de présenter ce projet de loi au Sénat?
(1510)
Le sénateur Varone : À ma connaissance, il arrive couramment que le Sénat se penche sur des mesures d’ordre administratif qui concernent le gouvernement, ainsi que sur des mesures qui n’ont aucune incidence financière ou monétaire. C’est la raison pour laquelle ce projet de loi est présenté ici.
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Je crois comprendre que la modernisation se fait attendre depuis longtemps. Cela fait des décennies que ces dispositions n’ont pas été modernisées, alors pourquoi a-t-on attendu aussi longtemps? Je n’ai pas lu attentivement le projet de loi, alors j’aimerais savoir si on parle de changements en profondeur. Avez-vous une idée de l’ampleur des changements qui seront apportés?
Le sénateur Varone : Je vous remercie de la question. Étant donné que les dernières modifications législatives sont antérieures à l’arrivée des téléphones cellulaires et d’Internet, je crois que les technologies de mesure ont beaucoup évolué depuis. Les gouvernements qui se sont succédé ont toujours négligé cet aspect parce qu’ils avaient d’autres priorités.
Ce sont des modifications d’ordre administratif. Il est temps d’apporter ces modifications judicieuses, et je pense que nous devons simplement aller de l’avant. Je ne saurais vous dire pourquoi d’autres gouvernements — des gouvernements successifs — ne l’ont pas fait.
La sénatrice Martin : Cela m’amène à ma deuxième question. Si le projet de loi est attendu depuis longtemps et qu’il apporte des changements radicaux en cette nouvelle ère numérique... Vous avez indiqué qu’il y aurait des mesures pour aider les petites entreprises, mais celles-ci sont déjà très surchargées, et je crains qu’elles voient leur fardeau administratif alourdi. Je suis curieuse de savoir quel genre de soutien les petites entreprises vont recevoir.
Le sénateur Varone : Je n’ai pas entendu parler du soutien qu’elles recevront, mais j’ai prêté attention à l’abrogation des dispositions précédentes. Quand j’ai lu le projet de loi, j’ai constaté que, maintenant, tout peut être contrôlé par voie numérique, ce qui allégeait considérablement le fardeau qui pèse sur les petites entreprises en ce qui concerne la publication de rapports et la gestion comptable.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Projet de loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant
Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-206, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant.
L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier le sénateur Varone pour son discours captivant, instructif et divertissant.
Je prends la parole aujourd’hui pour parler du projet de loi S-206, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant.
Premièrement, je tiens à remercier la sénatrice Pate de ses efforts inlassables pour défendre les Canadiens en proie à la pauvreté, à l’insécurité et à des désavantages systémiques. Ses efforts ont contribué à la tenue d’un débat important dans cette enceinte sur la justice économique et la dignité humaine.
Je soutiens le renvoi de ce projet de loi au comité et j’ai confiance que celui-ci abordera les questions importantes, notamment celles qui permettraient de créer un environnement stimulant et propice à la recherche d’un emploi valorisant pour les personnes sans emploi ou sur le point de le devenir, c’est-à-dire une transition équitable.
L’idée d’un revenu de base garanti suffisant est profondément implantée dans les débats sur la politique sociale au Canada. Elle a refait surface à des moments charnières, lors de bouleversements économiques, de conflits sociaux, de changements technologiques et de l’augmentation des inégalités. Aujourd’hui, au lendemain de la pandémie et dans un contexte d’automatisation croissante, d’intelligence artificielle et de concentration sans précédent des richesses, la notion d’un revenu de base a de nouveau captivé l’imagination du public.
La pandémie a fait ressortir à la fois la force et la fragilité de notre filet de sécurité sociale. Des programmes comme la Prestation canadienne d’urgence ont montré que des mesures d’aide financière directe peuvent être mises en place rapidement pour répondre à des besoins urgents. Là était l’objectif : verser rapidement de l’argent aux Canadiens et aux entreprises canadiennes admissibles, sans formalités administratives ni obstacles bureaucratiques, afin d’éviter une crise financière comme celle de 2008. Cependant, les mesures d’aide liées à la pandémie ont également mis en évidence les lacunes de notre système d’assurance-emploi et souligné à quel point le travail est devenu précaire pour de nombreux Canadiens. Parallèlement, ces programmes ont révélé des vulnérabilités, notamment les risques de fraude, les inefficacités et les effets dissuasifs involontaires.
Maintenant que la pandémie est derrière nous, les changements technologiques remodèlent profondément le monde du travail. La robotique, l’impression 3D et l’intelligence artificielle augmentent considérablement la productivité, mais elles réduisent aussi la sécurité d’emploi dans certains secteurs, notamment l’industrie manufacturière, la construction, les transports et le commerce de détail. Aujourd’hui, même les emplois fondés sur le savoir, autrefois considérés comme sûrs — dans les domaines du droit, de la médecine, de la finance et des industries créatives — sont menacés par l’intelligence artificielle générative.
Les chiffres donnent à réfléchir. Des études estiment que près de la moitié des emplois actuels sont menacés par l’automatisation d’ici deux décennies. La firme McKinsey prévoit que 45 % des tâches actuelles pourraient déjà être automatisées et que 60 % des professions pourraient voir au moins un tiers de leurs tâches remplacées par les technologies existantes. Des économistes chevronnés sonnent l’alarme : ces tendances pourraient déplacer des millions de travailleurs, faire baisser les salaires et creuser les inégalités, en particulier pour ceux qui n’ont pas fait d’études supérieures ou qui ne possèdent pas de compétences adaptables.
Les Canadiens suivent la question de près. D’après un sondage récent, 32 % d’entre eux considèrent le revenu de base garanti comme le moyen le plus efficace d’atténuer l’impact de l’intelligence artificielle sur l’emploi, 26 % sont favorables à des investissements importants dans le recyclage professionnel et 22 % souhaitent que l’adoption rapide de l’intelligence artificielle soit limitée. Les Canadiens attendent clairement de leur gouvernement non seulement qu’il gère les aspects techniques de l’intelligence artificielle, mais qu’il les protège contre les répercussions humaines de celle-ci.
Dans ce contexte, un revenu de base garanti, une stabilité financière permettant à chaque personne de vivre dignement indépendamment de son emploi, présente un attrait compréhensible. Cela nous oblige à réfléchir à ce que nous devons les uns aux autres à une époque de bouleversements. Mais nous devons également nous poser la question suivante : si nous nous contentons de fournir un revenu garanti, sommes-nous satisfaits de cette solution à long terme?
Le travail, c’est plus qu’un chèque de paie. Il nous donne une identité, un sentiment d’appartenance et une raison de nous lever le matin. La productivité du Canada dépend de sa main-d’œuvre. Les travailleurs contribuent à la productivité du Canada en fournissant la main-d’œuvre essentielle et en l’enrichissant grâce à leurs compétences, leur formation et leur efficacité, qui sont cruciales pour générer de la production économique et stimuler la croissance économique à long terme.
Un paiement universel risque de dissocier le revenu de la contribution. Si les gens sont définitivement retirés du marché du travail, cela pourrait affaiblir la productivité et l’engagement social. D’autre part, si le revenu de base complète un salaire plutôt que de le remplacer, il devient extrêmement coûteux.
Nous devrions chercher avant tout à aider les Canadiens à acquérir les compétences et la formation dont ils ont besoin pour réintégrer le marché du travail, au lieu de mettre l’accent sur l’octroi de paiements sans condition. Le comité devrait donc examiner l’incidence qu’un revenu minimum garanti pourrait avoir sur la motivation, le développement des compétences et la participation au marché du travail, non seulement chez les bénéficiaires, mais aussi chez ceux qui se situent juste au-dessus du seuil d’admissibilité.
D’autres pays se sont débattus avec des défis similaires. En réponse aux inquiétudes liées à l’emploi et à l’automatisation, l’Allemagne a investi massivement dans la fabrication de pointe — elle a pris les bouchées doubles, en fait — et elle a rapatrié certaines parties de sa chaîne de valeur. Elle a ainsi renforcé à la fois son économie et la résilience de sa main-d’œuvre. La Chine a mis en œuvre des mesures similaires et elle connaît actuellement une pénurie de main-d’œuvre.
Dans cette optique, je voudrais souligner huit points supplémentaires à l’intention du comité. Nous pénétrons ici dans le domaine du sénateur Varone.
Le premier point concerne la cohésion sociale et la « politique de l’envie ». L’économiste Greg Mason, de l’Université du Manitoba, nous prévient que la plupart des recherches sur le revenu universel de base se concentrent uniquement sur le comportement des bénéficiaires sans examiner l’attitude de ceux qui n’ont pas droit à ce revenu.
Les gens dont les revenus dépassent légèrement le seuil fixé peuvent avoir le sentiment que la situation est injuste, ce qui crée une dynamique que Mason appelle la « politique de l’envie ». Un tel ressentiment pourrait nuire à la cohésion sociale et à l’appui du public envers cette mesure.
L’équité ne porte pas seulement sur la conception des politiques : c’est aussi une question de perception.
(1520)
Les Canadiens doivent considérer que tout régime de soutien du revenu est équitable, inclusif et encourageant, et non un facteur de division.
Mon deuxième point concerne la viabilité et la réforme fiscale. Le directeur parlementaire du budget estime le coût brut d’un revenu garanti à 107 milliards de dollars cette année, selon un modèle de famille nucléaire et en supposant qu’on abolirait les crédits d’impôt existants pour les personnes à faible revenu. De plus, selon le même rapport, un revenu de base pourrait réduire les revenus d’emplois annuels des personnes à faible revenu de près de 5 milliards de dollars.
La mise en œuvre d’un programme national de revenu garanti serait l’une des réformes sociales les plus coûteuses et les plus complexes de l’histoire du Canada. Elle pourrait nécessiter la suppression de nombreuses exonérations et déductions fiscales et une restructuration en profondeur des régimes fiscaux fédéral et provinciaux. Cela exige une étude approfondie en comité avec les bons témoins experts.
Mon troisième point concerne l’équité et les investissements ciblés. L’égalité des revenus ne signifie pas l’égalité des chances. Selon le rapport de 2021 du directeur parlementaire du budget, avec un revenu de base uniformisé, une famille monoparentale à faible revenu perdrait plus de 5 300 dollars par an par rapport à des prestations ciblées.
L’analyse mise à jour pour 2025 prévoit la suppression de programmes comme le crédit d’impôt pour personnes handicapées, le crédit canadien pour aidant naturel, le crédit d’impôt pour frais médicaux et les indemnités pour accidents du travail, qui constituent tous des mesures de soutien essentielles pour les Canadiens en difficulté.
Le remplacement de ces programmes risque de nuire à ceux-là mêmes que nous voulons aider. Nous avons déjà constaté les conséquences d’une telle approche : le Programme ontarien des services en matière d’autisme est passé d’un système de mesures d’aide ciblées à un système de montants forfaitaires et, malgré le fait qu’on ait doublé son budget, le programme a laissé de nombreuses familles en difficulté. C’est l’évidence même : les politiques universelles ne peuvent pas remplacer les mesures de soutien fondées sur les besoins sans aggraver la situation des personnes ayant des besoins particuliers.
Mon quatrième point concerne les implications constitutionnelles et intergouvernementales. L’aide sociale relève principalement des provinces. Un revenu garanti administré par le gouvernement fédéral nécessiterait des négociations complexes avec les provinces et les territoires et pourrait entraîner une restructuration des transferts fédéraux.
Le comité devrait se pencher sur la manière dont le partage des coûts entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux pourrait être conçu et déterminer si les premiers ministres ont la volonté politique de mener à bien une telle transformation dans le climat financier actuel.
Le cinquième point porte sur les leçons tirées de la Prestation canadienne d’urgence, ou PCU, et de l’assurance-emploi. La PCU a fourni une aide d’urgence cruciale pendant la pandémie, à hauteur de 2 000 $ par mois pour les Canadiens qui ont perdu des revenus. Toutefois, il ne faut pas confondre son succès avec la faisabilité d’un programme permanent. Au contraire, cette expérience souligne le besoin de moderniser l’assurance-emploi.
L’assurance-emploi reste essentielle pour protéger le niveau de vie acquis à l’aide du travail et prévenir la pauvreté grâce à une aide temporaire contributive. Une révision complète de l’assurance-emploi, réalisée en collaboration avec les entreprises et les syndicats, pourrait permettre d’atteindre bon nombre des objectifs de stabilité et de dignité qu’on cherche à atteindre au moyen du revenu de base, sans pour autant démanteler notre cadre fiscal actuel. Le travail accompli par l’ancienne sénatrice Diane Bellemare dans ce domaine pourrait s’avérer précieux pour le comité.
Ma prochaine préoccupation a trait aux Canadiens marginalisés. Environ 10 % des Canadiens ne produisent pas de déclaration de revenus et ne sont donc pas pris en compte dans les données sur lesquelles le calcul des paiements du revenu de base reposerait. Paradoxalement, ce sont souvent ces personnes qui ont le plus besoin d’aide. Le comité devrait étudier comment joindre les personnes qui échappent au régime fiscal et quels mécanismes permettraient d’assurer l’exactitude, la reddition de comptes et l’intégrité du programme.
Le septième point concerne la possibilité d’envisager des solutions de rechange. L’opinion publique suggère que les Canadiens préfèrent des programmes ciblés liés à l’emploi plutôt que des transferts universels. Un sondage Angus Reid a révélé que 59 % des Canadiens sont en faveur d’un programme de garantie pour la jeunesse où les Canadiens de moins de 30 ans obtiennent un accès au marché du travail, que 65 % sont en faveur d’un programme de cheminement professionnel pour tous les chômeurs canadiens et que 74 % sont en faveur d’un programme de formation professionnelle pour tous les Canadiens.
Mon dernier point porte sur la promesse et le péril d’une idée simple. Comme l’a fait remarquer le professeur David Green, président du Basic Income Panel de la Colombie-Britannique :
Si nous voulons nous attaquer à la pauvreté, quel moyen plus simple [y a-t-il] de procéder que d’envoyer à tout le monde un chèque qui équivaut au seuil de la pauvreté? [...] Le problème, c’est quand on s’approche du but et qu’on se demande comment on pourrait mettre ce type de programme en œuvre.
Le revenu de base est souvent considéré comme une panacée, une solution miracle, qui devrait réduire la pauvreté, améliorer la santé, accroître l’éducation et renforcer les collectivités. Cependant, aucune politique ne peut à elle seule atteindre tous ces objectifs.
Chers collègues, ma mise en garde au sujet du revenu minimum garanti ne doit pas être interprétée comme un signe de complaisance. Nous devons lutter contre la pauvreté, les inégalités et l’insécurité économique, mais nous devons le faire au moyen de mesures ciblées, fondées sur des données probantes et axées sur la collaboration.
Le présent débat porte sur le genre de société que nous voulons bâtir. L’automatisation et l’intelligence artificielle redessinent notre monde. La pandémie a mis au jour des vulnérabilités que nous ne pouvons pas ignorer. Les Canadiens réclament la sécurité, la dignité et des possibilités. Un revenu garanti suffisant est l’une des réponses possibles, mais ce n’est pas une réponse simple. Cette solution touche aux fondements mêmes de notre économie, de notre fédération et de notre contrat social. Voilà pourquoi j’appuie le renvoi de ce projet de loi au comité pour qu’il fasse l’objet d’une étude attentive et exhaustive. Quand les chiffres seront disponibles, nous verrons alors peut-être la situation tout autrement.
Que l’étude de ce projet de loi soit guidée par des données factuelles, par la compassion et par la prudence pour que, quelle que soit la voie empruntée par le Parlement, celle-ci renforce tant les fondements économiques que le tissu social de notre pays.
Merci, hiy kitatamîhin.
(Sur la motion de la sénatrice Patterson, le débat est ajourné.)
Projet de loi sur le réseau de digues de l’isthme de Chignecto
Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Quinn, appuyée par l’honorable sénatrice Osler, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-216, Loi déclarant le réseau de digues de l’isthme de Chignecto et ses ouvrages connexes comme étant des ouvrages à l’avantage général du Canada.
L’honorable Paul (PJ) Prosper : Honorables sénateurs, je n’avais pas prévu d’intervenir sur ce sujet, mais je me suis senti obligé de le faire après la question posée par le sénateur McNair la semaine dernière. Il a demandé au sénateur MacDonald :
Une fois encore, je ne parviens pas à suivre le raisonnement selon lequel il serait nécessaire d’exercer le pouvoir déclaratoire. Rien ne l’exige. Le financement est réglé. Les parties auraient tout intérêt à entamer les travaux et à remettre les digues en état.
En tant que Néo-Écossais favorable à ce projet de loi, je tiens à expliquer pourquoi il est important que le Parlement exerce son pouvoir déclaratoire. Non, ce n’est pas pour faire pression sur le gouvernement pour obtenir des fonds. Cela concerne l’obligation de consultation relative aux droits ancestraux ou issus de traités, qui est prévue à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, et la détermination de l’administration compétente en la matière.
Lorsque j’ai commencé ma carrière il y a plusieurs décennies, les avocats autochtones soutenaient que la Couronne, avec laquelle nous avions signé nos traités, était indivisible. Nous continuons de nous opposer au transfert de l’obligation fiduciaire du gouvernement fédéral envers les Premières Nations et les autres peuples autochtones aux gouvernements provinciaux. Nous avons constaté qu’il existe un manque d’uniformité dans les normes de consultation au niveau provincial.
Lors de l’étude de la version précédente de cette mesure législative, le projet de loi S-273, la cheffe de la communauté la plus touchée est venue témoigner au Comité sénatorial permanent des transports et des communications. La cheffe Rebecca Knockwood de la Première Nation de Fort Folly, mieux connue sous le nom d’Amlamgog, a indiqué ce qui suit :
Actuellement, la façon dont le gouvernement du Nouveau-Brunswick mène les consultations pose de réels problèmes. Dans le cadre du processus de consultation de la province, nous sommes souvent informés qu’un projet a été jugé comme ayant peu ou pas de répercussions sur les droits ancestraux et issus de traités ou qu’il a été approuvé sans que nos communautés aient été consultées ou presque. Jusqu’à présent, la consultation provinciale sur le projet a été inadéquate. Des travaux archéologiques ont été menés sans la pleine participation des Mi’kmaqs. De même, le processus provincial d’évaluation des répercussions environnementales exclut les Premières Nations d’aspects essentiels de la démarche, notamment le comité d’examen technique.
En raison de ces problèmes, MTI a été contraint d’élaborer son propre processus d’évaluation des répercussions, le cadre d’évaluation des impacts sur les droits des Mi’kmaqs, ou EIDM. Alors que le gouvernement fédéral et les promoteurs n’ont eu aucun problème à suivre ce processus mené par les Mi’kmaqs, la province continue de refuser de le reconnaître. La consultation des autochtones en vertu des lignes directrices fédérales et l’inclusion des autochtones en vertu de la loi fédérale sur l’évaluation d’impact sont plus complètes que le processus du Nouveau-Brunswick et s’harmonisent mieux avec le processus d’EIDM.
Ce projet doit faire l’objet d’une consultation approfondie et réelle, ainsi que d’une étude en bonne et due forme des connaissances autochtones des Mi’kmaqs. Nous estimons qu’une évaluation d’impact fédérale est nécessaire pour un projet d’une telle importance dans une région culturellement importante pour nous. Nous pensons que ce projet de loi contribuera à garantir que le gouvernement fédéral joue un rôle important dans les processus de consultation et d’évaluation d’impact et qu’il est plus probable que le processus soit conforme à l’EIDM. Compte tenu de l’importance de cette région pour les Mi’kmaqs, du fait que le processus de consultation et d’évaluation d’impact du gouvernement fédéral est plus approfondi et du fait que nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre que la bataille juridictionnelle soit réglée, les chefs mi’kmaqs du Nouveau-Brunswick vous demandent d’appuyer le projet de loi présenté par le sénateur Quinn. Les terres devraient être de responsabilité fédérale jusqu’à ce que ce projet soit achevé.
(1530)
Mme Jessica Ginsburg, une avocate de Kwilmu’kw Maw-Klusuaqn, aussi connu sous le nom de KMKNO, qui est le principal organisme de négociation pour les Mi’kmaqs de la Nouvelle-Écosse, a dit ce qui suit :
La nation mi’kmaq a un intérêt général sur toutes les terres, eaux et autres ressources de la Nouvelle-Écosse, car les Mi’kmaqs n’ont jamais abandonné, cédé ou vendu leur titre autochtone sur les terres et les eaux de la province.
Les Mi’kmaqs ont une revendication de titre sur l’ensemble de la Nouvelle-Écosse et sont copropriétaires des terres, des eaux et des ressources de cette province. Le Canada et la Nouvelle-Écosse connaissent et reconnaissent les titres et les droits ancestraux revendiqués par les Mi’kmaqs et le fait que toute répercussion potentielle sur les droits ancestraux et les titres des Mi’kmaqs est soumise à l’obligation de consultation et d’accommodement.
Elle ajoute ensuite ceci :
La question de savoir comment maintenir l’obligation de consultation de la Couronne face aux exemptions et lacunes réglementaires potentielles doit être abordée. Le projet de loi lui-même devrait contenir une garantie que les décisions prises en vertu de celui-ci seront conformes à l’objectif de réconciliation et aux obligations de consultation de la Couronne.
Toute diminution des possibilités de consultation offertes aux Mi’kmaqs de la Nouvelle-Écosse est inacceptable. Avant que ces terres ne revêtent une importance pour le Canada en tant que corridor économique et de transport, les Mi’kmaqs les avaient utilisées et occupées depuis des temps immémoriaux. Aujourd’hui, la zone conserve une grande importance en raison de son utilisation traditionnelle de longue date, de son potentiel archéologique sur terre et sous l’eau et de sa signification spirituelle liée aux légendes des Mi’kmaqs. Elle fait l’objet de nombreuses consultations et offre aux Mi’kmaqs des possibilités économiques liées à l’aménagement d’infrastructures locales telles que les nouvelles lignes de transmission interprovinciales. Il est donc impératif que les Mi’kmaqs continuent de participer à toutes les décisions multidimensionnelles concernant cette région importante.
Le gouvernement du Nouveau-Brunswick a changé récemment, et le parti au pouvoir est plus disposé à négocier et à respecter les droits des Mi’kmaqs, mais nous savons que la Nouvelle-Écosse a récemment manqué à son obligation de consulter les Mi’kmaqs et de coopérer avec eux. Cette absence de consultation était si grave qu’elle a fait l’objet d’importantes manifestations à un endroit qu’on appelle Hunter’s Mountain, ainsi que de plusieurs courriels de la part de l’Assemblée des Chefs mi’kmaqs de la Nouvelle-Écosse.
Il convient également de noter que l’organisme Mi’gmawe’l Tplu’taqnn, s’exprimant au nom de huit des neuf communautés mi’kmaqs membres, a critiqué le processus d’évaluation du Nouveau-Brunswick dans ses commentaires sur le processus proposé « un projet, une évaluation » et l’accord de coopération entre le Nouveau-Brunswick et le Canada.
Dans sa lettre datée du 8 octobre 2025, l’organisme a exprimé son impression d’être systématiquement exclu des discussions et des décisions importantes, et il a même déclaré que ses préoccupations étaient :
[...] aggravées par un processus de consultation provincial qui ignore ou qui minimise systématiquement les répercussions sur nos droits. Le remplacement du processus d’évaluation d’impact fédéral par celui du Nouveau-Brunswick entraînera une diminution de la protection des droits des Mi’gmaqs au Nouveau-Brunswick.
Chers collègues, le recours au pouvoir déclaratoire permet au gouvernement fédéral d’assumer un rôle de premier plan en ce qui concerne l’obligation de consulter. De plus, ce rôle est important dans le cadre de tout processus d’évaluation des répercussions environnementales.
Sénateurs, sans le leadership du Parlement pour invoquer le pouvoir déclaratoire, les peuples mi’kmaqs se retrouvent nécessairement divisés par une frontière arbitraire dans l’isthme de Chignecto. Nous sommes un peuple divisé entre deux programmes provinciaux d’évaluation des répercussions environnementales et pris entre deux processus de consultation provinciaux qui, à bien des égards, se sont révélés insuffisants pour répondre aux préoccupations des Mi’kmaqs.
C’est pourquoi j’ai travaillé avec le sénateur Quinn pour veiller à ce qu’on mentionne explicitement l’importance de l’isthme dans tout le projet de loi et pourquoi je crois fermement qu’il est si important d’exercer le pouvoir déclaratoire. En déclarant que le projet de l’isthme de Chignecto est à « […] l’avantage général du Canada, ou pour l’avantage de deux ou d’un plus grand nombre des provinces », le Parlement veille à ce que l’obligation de consulter et l’honneur de la Couronne sont assujettis aux normes les plus élevées. Au niveau provincial, nous avons des exemples très récents d’échecs en matière de consultation et nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer dans le cadre de ce projet, qui revêt une importance capitale pour les Mi’kmaqs et l’ensemble du Canada. Wela’lioq. Merci beaucoup.
(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)
Projet de loi sur la Journée de l’indépendance de la magistrature
Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Moreau, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Dalphond, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-219, Loi instituant la Journée de l’indépendance de la magistrature.
L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, le débat sur cette question a été ajourné au nom de la sénatrice Martin, et je demande le consentement du Sénat pour que, à la suite de mon intervention, le reste de son temps de parole sur cette question lui soit réservé.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur la Présidente : Il en est ainsi ordonné.
Le sénateur Dalphond : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-219, Loi instituant la Journée de l’indépendance de la magistrature.
Le 10 juin dernier, le sénateur Moreau a prononcé son premier discours dans cette Chambre afin de nous remercier de l’accueil qu’il avait reçu, nous parler de ses origines, et manifester son désir de travailler en collaboration avec nous toutes et tous. Il a également parlé de son amour de la langue française, du rôle du Sénat et de l’importance de l’indépendance judiciaire. Après tout, sa compagne de vie est une juge très respectée.
(1540)
Il déclarait alors ce qui suit, en fin observateur :
La séparation des pouvoirs est le principe fondateur de cette indépendance, en ce qu’elle garantit le traitement impartial des citoyennes et des citoyens devant les tribunaux et face à l’État. Comme la primauté du droit, l’indépendance judiciaire est garante de la dignité humaine et du respect des droits de la personne. Elle permet aux juges de résister à toute ingérence extérieure.
Cependant, sous le coup de la peur, du populisme exacerbé, de la déshumanisation ou à cause d’individus avides de pouvoir absolu, la démocratie recule.
[Traduction]
Malheureusement, il n’est pas nécessaire d’aller très loin pour constater ce phénomène; il suffit de regarder au sud de la frontière. Là-bas, au cours des derniers mois, des membres de l’administration états-unienne ont qualifié des juges fédéraux de district de partout aux États-Unis de « gauchistes », de « libéraux », d’« activistes », de « radicaux », de « voyous », les disant « politisés », « dérangés », « scandaleux, trop zélés [et] anticonstitutionnels », « malhonnêtes » et d’autres qualificatifs encore pires que je ne citerai pas.
De plus, dans le but d’intimider des membres de la magistrature américaine, l’administration a engagé des poursuites abusives contre des juges fédéraux et d’État en exercice. Permettez-moi de vous donner un exemple. En mai dernier, le juge en chef George L. Russell III, de la cour fédérale de district du Maryland, a rendu deux ordonnances interdisant aux agents fédéraux de l’immigration, pendant deux jours ouvrables, d’expulser tout détenu étranger ayant déposé un bref d’habeas corpus auprès de son tribunal.
« Habeas corpus » est une expression latine qui signifie littéralement « que tu aies ton corps pour le présenter [devant le juge] ». Il s’agit de l’un des droits les plus fondamentaux dans les pays de common law, qui oblige les autorités à présenter un détenu devant un juge afin de déterminer si sa détention est légale.
Le juge en chef Russell craignait que, sans ces ordonnances, bon nombre des requérants soient transférés vers des centres de détention situés en dehors de l’État du Maryland, peut-être en Floride, voire expulsés des États-Unis avant qu’un juge ait eu l’occasion d’examiner leurs allégations de détention illégale.
Au lieu de faire appel de ces ordonnances, le département de la Sécurité intérieure a intenté une poursuite civile contre le juge en chef et les 15 autres juges du district afin d’obtenir une déclaration selon laquelle les ordonnances constituaient une atteinte directe à l’autorité absolue du département en ce qui concerne le contrôle des questions d’immigration et l’application des lois sur l’immigration. Il a demandé une injonction visant à invalider les ordonnances et à envoyer un message aux juges.
Le 26 août, un juge fédéral d’un autre district a rejeté la plainte en invoquant l’immunité judiciaire, un élément indispensable à l’indépendance judiciaire. Dans sa conclusion, le juge a cité un juge d’appel et écrit :
C’est peut-être trop espérer que de voir les pouvoirs exécutif et judiciaire se respecter mutuellement en ces temps si tendus et polarisés, mais cela reste la seule façon dont notre système de gouvernance constitutionnelle peut espérer fonctionner.
Malheureusement, au Canada, nous avons récemment été témoins d’une série d’attaques contre le pouvoir judiciaire. Au mieux, cela reflète une incompréhension du rôle du pouvoir judiciaire. Au pire, il s’agit d’une tentative alarmante visant à attiser le ressentiment et le mépris à l’égard de notre système constitutionnel de gouvernance.
Dans un tel contexte, le projet de loi S-219, bien que court et simple, offre une occasion bienvenue de réfléchir à la signification de l’indépendance judiciaire et de souligner son importance pour tous les Canadiens.
En termes simples, un juge indépendant est un juge qui est libre de statuer sur une affaire en se fondant uniquement sur les faits et le droit, et qui est donc libre de toute influence de la part du gouvernement, des médias, des groupes organisés ou de toute autre partie externe.
Comme l’a dit le sénateur Moreau, l’indépendance judiciaire « [...] permet aux juges de résister à toute ingérence extérieure. »
Chers collègues, il s’agit là d’un point important : l’indépendance judiciaire existe pour le bien de tous les Canadiens, et non pour celui des juges eux-mêmes. Elle sert des objectifs sociaux importants, résumés comme suit par la Cour suprême :
Un de ces objectifs est le maintien de la confiance du public dans l’impartialité de la magistrature, élément essentiel à l’efficacité du système judiciaire. L’indépendance de la magistrature permet de renforcer la perception que justice est rendue dans les litiges dont sont saisis les tribunaux. Un autre objectif sociétal que sert l’indépendance de la magistrature est le maintien de la primauté du droit, dont un des aspects est le principe constitutionnel suivant lequel l’exercice de tout pouvoir public doit en bout de ligne tirer sa source d’une règle de droit.
[Français]
Le sénateur Moreau a traité de ce point dans ces termes en juin dernier :
La séparation des pouvoirs est le principe fondateur de cette indépendance, en ce qu’elle garantit le traitement impartial des citoyennes et des citoyens devant les tribunaux et face à l’État. Comme la primauté du droit, l’indépendance judiciaire est garante de la dignité humaine et du respect des droits de la personne. Elle permet aux juges de résister à toute ingérence extérieure.
En 1986, dans l’arrêt Beauregard, le juge en chef Dickson expliquait que les tribunaux ne font pas que décider des litiges, mais agissent aussi comme :
[...] protecteur de la constitution et des valeurs fondamentales qui y sont enchâssées—la primauté du droit, la justice fondamentale, l’égalité, la préservation du processus démocratique, pour n’en nommer peut-être que les plus importantes. En d’autres termes, l’indépendance judiciaire est essentielle au règlement juste et équitable des litiges dans les affaires individuelles. Il constitue également l’élément vital du caractère constitutionnel des sociétés démocratiques.
[Traduction]
Dans la pratique, l’indépendance judiciaire comporte deux dimensions.
Sur le plan individuel, les juges doivent jouir d’une indépendance adjudicative, c’est-à-dire de la capacité de statuer sur une affaire en se fondant uniquement sur les preuves et le droit, sans crainte ni favoritisme.
Sur le plan institutionnel, les tribunaux doivent jouir d’une indépendance vis-à-vis des organes exécutif et législatif du gouvernement en ce qui concerne les questions administratives, ce qui a une incidence directe sur leur fonction judiciaire.
Comme l’a écrit l’ancienne juge en chef McLachlin en 1989 :
[...] pour jouer le bon rôle constitutionnel, le pouvoir judiciaire doit être complètement séparé, sur le plan des pouvoirs et des fonctions, des autres organes du gouvernement.
En fait, notre ordre constitutionnel repose sur cette séparation des pouvoirs.
L’indépendance judiciaire trouve ses origines historiques dans les traditions que nous avons héritées du Royaume-Uni et dans l’Acte d’établissement de 1701.
En 1997, le juge Lamer, alors juge en chef de la Cour suprême, a écrit ceci :
L’indépendance de la magistrature est une norme non écrite, reconnue et confirmée par le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867. En fait, c’est dans le préambule, qui constitue le portail de l’édifice constitutionnel, que se trouve la véritable source de notre engagement envers ce principe fondamental.
(1550)
Puisque la Cour suprême a reconnu que l’indépendance de la magistrature est surtout un principe constitutionnel non écrit au Canada, il serait peut-être préférable de l’inscrire dans notre calendrier, comme le propose le projet de loi S-219.
L’importance de l’indépendance de la magistrature est reconnue depuis longtemps en droit international. Par exemple, l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme indique que « [t]oute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial [...] » lorsqu’elle fait l’objet d’accusations criminelles. Son importance est également reconnue à l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par les Nations Unies en 1966, qui indique ceci : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi [...] »
Désigner le 11 janvier comme Journée de l’indépendance de la magistrature montrera à la population et à la communauté internationale que le Canada accorde une grande importance à l’indépendance de la magistrature. Pourquoi cette date en particulier? Non, chers collègues, ce n’est pas pour tenter de rivaliser avec la Journée sir John A. Macdonald, qui rend hommage à un avocat et à l’un des rédacteurs de la Constitution fédérale, qui repose sur divers principes, dont l’indépendance de la magistrature.
[Français]
Comme l’indique le préambule du projet de loi S-219, cette date est proposée pour commémorer ce qui suit :
que, le 11 janvier 2020, des dizaines de milliers de personnes, y compris des centaines de juges provenant de vingt-deux pays d’Europe, ont pris part à la « Marche des mille robes » à Varsovie afin de manifester leur opposition aux atteintes à l’indépendance de la magistrature en Pologne;
On pourrait même parler de milliers de juges. Nous savons d’ailleurs que la Pologne éprouve encore des problèmes sur ces questions à l’heure actuelle.
Comme l’a indiqué le sénateur Moreau, cette manifestation a eu lieu après que le Parlement polonais a cherché à abroger le principe de la sécurité d’emploi des juges. Autrement dit, on pouvait congédier les juges dont on n’aimait pas les jugements. La manifestation a été déclenchée par cette loi dite « loi muselière », qui interdisait aux juges d’examiner la composition des tribunaux sous peine de révocation.
[Traduction]
Ce mouvement peut rappeler à certains d’entre nous les événements de 2007 qui ont eu lieu au Pakistan lorsque le président Pervez Musharraf a suspendu le juge en chef Iftikhar Chaudhry par crainte que ce dernier ne remette en question les efforts du premier pour se maintenir au pouvoir. Des manifestations généralisées d’avocats vêtus de robes, de partis de l’opposition et de citoyens ont finalement mené à la réintégration du juge en chef par le président. Des événements comme celui-ci montrent que les citoyens se soucient de l’indépendance judiciaire.
À la suite des événements en Pologne, l’Union internationale des magistrats, qui a le statut d’observateur aux Nations unies, a officiellement demandé aux Nations unies de commémorer la « Marche des mille robes ». Le projet de loi S-219 permettra d’atteindre cet objectif au Canada.
En conclusion, nous devons à la fois protéger et célébrer l’indépendance judiciaire. J’espère que vous vous joindrez à moi pour appuyer l’adoption du projet de loi S-219 à l’étape de la deuxième lecture au cours des prochaines semaines afin de le renvoyer au comité avant la fin de l’année.
Merci. Meegwetch.
L’honorable Denise Batters : Le sénateur Dalphond accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Dalphond : Avec plaisir.
La sénatrice Batters : La semaine dernière, j’ai remarqué que vous avez fait quelques déclarations dans les médias au sujet de la proposition d’augmentations substantielles pour les juges nommés par le gouvernement fédéral au Canada. La plupart des juges nommés par le gouvernement fédéral gagnent actuellement environ 400 000 $ par année. Cette proposition entraînerait une augmentation d’environ 28 000 $ en plus des augmentations annuelles régulières, et le gouvernement a répondu à cette...
[Français]
Son Honneur le Président intérimaire : Je suis désolé, sénatrice Batters. Sénateur Dalphond, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps?
Le sénateur Dalphond : Avec plaisir, pour répondre à la question de la sénatrice Batters.
Son Honneur le Président intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : Oui.
[Traduction]
La sénatrice Batters : C’est ce qui leur est versé à l’heure actuelle.
Jusqu’à présent, le gouvernement a répondu qu’il estime que les salaires des juges nommés par le gouvernement fédéral sont adéquats et que cette augmentation supplémentaire n’est pas nécessaire pour attirer des candidats de qualité. Compte tenu de vos fonctions passées, un média d’information vous a demandé votre avis à ce sujet. Il ne vous cite pas directement dans cet article, mais il indique ce qui suit à propos de vous :
[...] il n’est pas particulièrement convaincu par les arguments du gouvernement. Il a déclaré que suivre les recommandations de la commission coûterait entre 30 et 40 millions de dollars par an, tout en soulignant que le gouvernement avait augmenté les dépenses militaires d’environ 9 milliards de dollars cette année, ce qui inclut des augmentations significatives pour les militaires.
Ce dont il est question ici, ce sont nos anciens combattants et nos militaires en service.
Pourquoi êtes-vous de cet avis? Considérez-vous qu’il y a un lien à faire avec l’indépendance de la magistrature, et, dans l’affirmative, que pensez-vous de la réponse du gouvernement?
Le sénateur Dalphond : Je vous remercie de cette excellente question.
L’indépendance de la magistrature est garantie de plusieurs façons. L’une d’elles est l’inamovibilité, qui signifie qu’une fois nommé, un juge ne peut être démis de ses fonctions que s’il fait l’objet d’une procédure de destitution par le Parlement; les deux Chambres doivent adopter une motion à cet effet. Ce principe est protégé par l’article 99 de la Loi constitutionnelle. Il a été conçu pour offrir une protection totale.
L’indépendance de la magistrature est également garantie au moyen de la disposition de la Constitution qui prévoit que les juges ont droit à un salaire déterminé par un vote des deux Chambres du Parlement, ce qui leur donne l’assurance qu’ils seront rémunérés. La Cour suprême a interprété cette règle comme signifiant que le salaire doit être suffisant pour attirer des personnes compétentes — c’est ce que dit la loi — et également pour qu’elles se consacrent à leur travail et qu’elles l’exercent de manière indépendante.
Selon la Cour suprême, pour garantir cette indépendance, les juges ne peuvent négocier avec le gouvernement, car étant donné qu’ils sont appelés à prendre des décisions dans de nombreuses affaires impliquant le gouvernement, cela créerait une situation délicate, en ce sens que la décision du gouvernement de leur accorder ou non une hausse salariale risquerait d’influencer les décisions des juges. Par conséquent, la Cour suprême a dit qu’il fallait établir un mécanisme indépendant où les juges et le gouvernement pourraient présenter leurs arguments devant un groupe impartial, qui produirait ensuite un rapport présentant ses recommandations.
Ce processus a été suivi et, en juillet, la commission indépendante a recommandé que le gouvernement augmente de 28 000 $ le salaire des juges, et en a exposé la justification. Les juges demandaient 60 000 $, et la commission est parvenue à cette recommandation.
On a également tenu compte de l’indexation du salaire, chaque année, sur la moyenne du secteur économique.
Cela dit, la prochaine étape était la réponse du gouvernement à ce rapport, laquelle a été rendue publique lundi. Le gouvernement a rejeté la recommandation de la commission. Il appartient maintenant aux juges de décider s’ils acceptent cette réponse ou s’ils en contestent la constitutionnalité devant un tribunal.
Je ne sais pas ce que fera l’actuelle présidence de l’association ni ce que fera le conseil d’administration, mais c’est à eux de décider s’ils veulent contester cette décision ou l’accepter, compte tenu des difficultés que traverse le pays.
La sénatrice Batters : Pour revenir à ce point, que pensez-vous de la réponse du gouvernement, qui estime que ce montant est adéquat et qu’il n’est pas nécessaire de l’augmenter davantage? Pensez-vous que la réponse du gouvernement respecte suffisamment le principe de l’indépendance judiciaire?
Le sénateur Dalphond : La Cour suprême a dit que les salaires des juges pouvaient être touchés par des mesures applicables à l’ensemble de la fonction publique, mais que les tribunaux verraient d’un mauvais œil que des mesures visent uniquement les juges, et non le reste de la fonction publique, et considéreraient alors que les juges ne sont pas traités correctement. Ce serait vu comme une atteinte à l’indépendance judiciaire et aux garanties qui l’accompagnent.
Donc, la décision d’accorder une augmentation de salaire substantielle aux membres des Forces armées canadiennes et de ne pas accorder une augmentation minimale aux juges nécessite une explication. Nous verrons de quoi il retourne pour la fonction publique. Dans quelques minutes, nous connaîtrons le point de vue du gouvernement sur l’avenir de la fonction publique et sur…
(1600)
[Français]
Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Dalphond, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps pour compléter votre réponse à la sénatrice Batters? Je sais que la sénatrice McPhedran a également des questions à vous poser. Demandez-vous plus de temps pour répondre aux sénatrices Batters et McPhedran?
Le sénateur Dalphond : C’est un sujet que je connais bien et je serais heureux d’en parler. Si mes collègues sont prêts à m’entendre plus longtemps, j’accepterai avec plaisir de le faire.
Son Honneur le Président intérimaire : Le consentement est-il accordé?
Des voix : D’accord.
Le sénateur Dalphond : Je vais donc compléter ma réponse à la sénatrice Batters.
Cette justification du gouvernement est une justification —
[Traduction]
... et il semble laisser à désirer, mais la réponse contient d’autres justifications. La réponse du gouvernement comporte de nombreux aspects. Quand on tient compte de tous ces éléments, certaines décisions devront être prises. Je ne suis pas celui qui devra décider au nom des juges. Je ne suis plus juge, mais je dirais que la réponse à votre question n’est pas toute noire ou toute blanche.
Elle est pleine de nuances. Certaines parties de la réponse reprennent les arguments qui ont été présentés devant la commission, ce qui n’est pas une bonne chose. Il faut dire que la commission a pris en considération l’incertitude de la situation concernant les États-Unis, puis qu’elle a fait cette proposition.
Selon moi, les autres arguments avancés par le gouvernement dans le rapport sont rationnels. Pour déterminer si la réponse est constitutionnelle, la Cour suprême devra simplement se fonder sur le critère de la rationalité. Peut-être que la réponse respecte ce critère, et peut-être qu’elle ne le respecte pas. J’en resterai là. Si quelqu’un souhaite m’embaucher, je serais ravi de donner un coup de main. Je plaisante.
C’est une question qui demande que l’on fasse preuve de nuance, alors je ne peux pas vous donner une réponse simple, car elle nécessite davantage de réflexion.
L’honorable Marilou McPhedran : Merci beaucoup, Votre Honneur. Je vous suis très reconnaissante de me donner l’occasion de prendre la parole.
Sénateur Dalphond, j’ai une question qui découle d’une expérience que j’ai vécue il y a quelques mois. Je faisais partie d’une délégation internationale de parlementaires et nous nous trouvions dans les couloirs du Congrès et du Sénat à Washington. J’ai été vraiment choquée de voir, à l’extérieur du bureau d’un sénateur républicain au Congrès, une affiche plus grande que moi et très large sur laquelle figuraient des photos de juges accompagnées d’insultes qui n’avaient rien de respectueux et d’appels à leur destitution.
Je me suis interrogée sur le privilège parlementaire dans ce contexte. Je sais que ce n’est pas l’objet du projet de loi, mais nous voyons quelques signes de certains parlementaires qui affichent clairement leur mépris — qui va au-delà du simple manque de respect — envers les grandes institutions qui soutiennent notre démocratie au Canada. Que pensez-vous du privilège parlementaire en ce qui concerne les juges et les attaques dont ils font l’objet de la part des parlementaires?
Le sénateur Dalphond : Je n’ai pas vu ces affiches, mais je suppose qu’on y voit la liste des suspects habituels. Donc après les listes de policiers, il y a maintenant une liste de parlementaires.
C’est très regrettable, mais, comme vous le savez, aux États-Unis, un juge nommé par le gouvernement fédéral peut être destitué selon les mêmes procédures que celles utilisées pour destituer un président. Au fil des ans, certains juges ont été destitués. Cette situation n’arrive pas très souvent, mais elle arrive.
Chose certaine, lorsque je regarde au sud de la frontière, je prie pour que les dirigeants de notre pays ne suivent pas cette voie et qu’ils respectent ce qui a fait du Canada un pays pacifique et respectueux, où la primauté du droit est respectée, ce qui suppose l’indépendance de la magistrature et le respect du travail des juges. Si nos dirigeants ne sont pas satisfaits de certains jugements, le Règlement prévoit qu’ils peuvent modifier la loi.
Il s’est dit des choses à propos du jugement rendu la semaine dernière par la Cour suprême sur la pornographie et de son soutien à la pornographie. Il faut lire le jugement : on comprend alors que ce n’est pas ce qu’il dit. Il ne s’agit pas d’un problème que le Parlement ne peut pas corriger. Quand on découvre des situations qui ne correspondent pas à la Charte des droits, c’est au gouvernement d’apporter des correctifs. Il n’a même pas besoin d’utiliser la disposition de dérogation pour le faire. Bref, j’invite les gens à lire le jugement avant de le commenter, à s’informer sur sa signification et à s’informer aussi sur la signification du respect envers ce qui est parfois le dernier rempart de la démocratie, c’est-à-dire les tribunaux.
(Le débat est ajourné.)
Projet de loi sur le vote à seize ans
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McPhedran, appuyée par l’honorable sénatrice Sorensen, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum.
L’honorable Paulette Senior : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le territoire non cédé de la nation algonquine anishinaabe à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-222.
Ce projet de loi est une mesure législative importante qui propose de modifier la Loi électorale du Canada afin d’étendre le droit de vote à tous les citoyens canadiens âgés de 16 et 17 ans.
Je tiens à exprimer ma gratitude à la sénatrice McPhedran pour avoir marrainé et fait avancer ce projet de loi.
Tout au long de ma carrière, puis ici dans cette éminente assemblée, je me suis concentrée à éliminer les obstacles systémiques et à renforcer l’autonomie des personnes marginalisées. Ces obstacles reposent souvent sur des classifications arbitraires, qu’elles soient basées sur la race, le sexe, le genre, l’identité de genre, la situation économique ou une combinaison de ces caractéristiques. Je peux vous affirmer sans l’ombre d’un doute que ces obstacles artificiels empêchent certaines personnes de réaliser leur potentiel et de contribuer pleinement à la démocratie.
Aujourd’hui, je vous demande de réfléchir avec moi à une autre exigence arbitraire : celle des 18 ans, qu’on défend souvent comme un indicateur fixe de compétence et de maturité. Cela m’amène à me demander quel principe démocratique permet de justifier qu’on dise à tout un pan de la population qu’il est assez âgé pour payer des impôts, travailler et assumer des responsabilités importantes, mais qu’il ne l’est pas assez pour avoir son mot à dire dans l’élaboration des lois qui régissent son existence même.
Le projet de loi S-222 nous invite à réfléchir aux questions de l’inclusion et de la résilience au sein de notre démocratie et à tenir compte des données dont nous disposons actuellement pour déterminer si le moment est enfin venu au Canada — à l’instar d’autres démocraties, notamment l’Autriche, l’Écosse, le Pays de Galles et bientôt l’Angleterre et l’Irlande — de lever cet obstacle et d’étendre le droit de vote aux citoyens âgés de 16 et 17 ans. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi je pense que la réponse est un « oui » retentissant.
Mon expérience à promouvoir l’égalité m’a appris que l’exclusion n’est jamais neutre. Lorsque des barrières sont érigées, que ce soit pour priver une femme de son autonomie financière ou un jeune de son droit de vote, cela véhicule un message puissant et destructeur : « Tu n’as pas ta place ici, ton opinion n’a aucune valeur. »
En ce moment, l’âge du droit de vote est un vestige d’une époque où l’âge de la majorité était lié au service militaire et à la propriété foncière. Cela ne reflète pas la réalité du Canada moderne.
Lorsque nous examinons les barrières historiques qui ont été imposées aux femmes, nous constatons que les arguments pour les justifier invoquaient l’incapacité ou l’immaturité des femmes. Nous avons rejeté ces arguments, car nous avons compris que la démocratie doit soutenir l’inclusion. Nous sommes plus forts, nos lois et nos politiques sont meilleures, et notre gouvernance est plus légitime lorsque davantage de citoyens font entendre leur voix. Étendre le droit de vote aux jeunes de 16 et 17 ans est une suite logique et nécessaire du cheminement de notre nation vers l’égalité, qui est énoncée dans la Charte canadienne des droits et libertés, elle-même enchâssée dans notre Constitution.
La question n’est pas d’accorder un privilège, mais de reconnaître un droit déjà mérité par la participation à la vie civique. Ils paient de l’impôt sur le revenu, ils contribuent à l’économie et ils sont directement touchés par les décisions du gouvernement dans tous les domaines, qu’il s’agisse des prêts étudiants, de la politique climatique ou de leur accès aux services sociaux et de santé.
(1610)
Les arguments contre le projet de loi S-222 tournent souvent autour du manque de maturité ou de conscience politique supposé des jeunes de 16 et 17 ans. Or, je vous pose la question suivante, chers collègues : quel est le principe en jeu ici? Servons-nous vraiment la démocratie en définissant la compétence civique par une date de naissance plutôt que par la capacité?
Regardez le monde d’aujourd’hui. La génération actuelle est politiquement avertie, hyperconsciente et profondément engagée. Ces jeunes ne sont pas des observateurs passifs; ils sont les architectes de mouvements mondiaux. Ils mènent la charge en matière de justice climatique. Ils s’organisent en ligne et hors ligne contre les inégalités raciales et la discrimination systémique. Ils naviguent dans des environnements d’information numérique complexes avec une acuité qui, franchement, surpasse celle de nombreuses générations plus âgées.
En outre, nous devons tenir compte de la composante éducative. Des recherches, notamment celles menées dans des pays où le droit de vote a été étendu, montrent que l’octroi du droit de vote aux jeunes du secondaire a un impact positif durable sur la participation électorale. Quand l’âge du droit de vote est aligné sur l’éducation civique donnée en classe, les jeunes sont plus enclins à voter et acquièrent une habitude de participation démocratique qui dure toute leur vie.
En leur disant « vous n’êtes pas prêts à voter », nous leur retirons la responsabilité et l’incitatif d’apprendre et de participer. En leur disant « votre vote compte », nous leur donnons les moyens de devenir de meilleurs citoyens.
Chers collègues, en tant que nation fière d’adhérer au système parlementaire de Westminster, tournons-nous vers nos pairs du Commonwealth. L’argument selon lequel le Canada doit maintenir le statu quo est de plus en plus difficile à défendre alors que des membres clés de notre propre famille parlementaire vont de l’avant.
D’ailleurs, cette année, le Royaume-Uni, berceau historique de notre tradition parlementaire, s’est engagé à abaisser l’âge de vote. Il ne s’agit pas d’une position radicale ou marginale, mais d’une position adoptée par des démocraties matures et modernes.
Au-delà de l’Angleterre, des pays et des régions du Commonwealth, comme l’Écosse et le pays de Galles, ont déjà abaissé l’âge électoral à 16 ans pour leurs élections décentralisées. Malte, membre à part entière du Commonwealth, a étendu le droit de vote à 16 ans pour toutes les élections. L’Autriche, l’Allemagne, l’Argentine et le Brésil ont fait de même. La liste des États démocratiques qui reconnaissent la maturité et la capacité de voter de cette tranche d’âge continue de s’allonger.
Le Canada s’est toujours enorgueilli d’être un chef de file en matière de droits démocratiques. En ce qui concerne le droit de vote de nos jeunes, nous risquons aujourd’hui de prendre du retard. Permettez-moi de vous parler des éléments de la Loi sur le vote à seize ans qui m’ont convaincue que le projet de loi S-222 est un bon outil pour nous renseigner, poser des questions, apprendre et approfondir nos connaissances sur la participation démocratique.
Velma Morgan est bien connue du Sénat. Elle est présidente de l’organisme Operation Black Vote Canada, qui se consacre à élargir le bassin de leaders politiques noirs au Canada, y compris parmi les jeunes et les communautés marginalisées. Velma a clairement indiqué que les jeunes issus de groupes historiquement sous-représentés, notamment les jeunes Noirs, font partie du bassin de nouveaux électeurs potentiels, car accorder le droit de vote aux jeunes peut contribuer à développer de saines habitudes politiques et à faire entendre la voix des communautés marginalisées.
Comme l’a souvent dit Velma :
On ne peut pas être ce qu’on ne voit pas [...] on ne peut pas continuer à laisser le même type de personnes, ayant vécu le même type d’expériences, élaborer les lois et les politiques publiques pour les autres [...]
Operation Black Vote Canada se joint à de nombreux autres organismes qui appuient le projet de loi. Parmi celles-ci, mentionnons UNICEF Canada, le centre Samara pour la démocratie, la Fondation Laidlaw et, celle qui me tient le plus à cœur, la Fondation canadienne des femmes, dont j’ai été présidente et directrice générale. La Fondation canadienne des femmes affiche ce message au sujet du projet de loi sur son site Web :
[...] [incluez les] filles et [les] jeunes non binaires [de sorte qu’à] l’âge de 16 ans, iels pourraient avoir une voix sur les questions urgentes qui ont un impact sur leurs vies : le changement climatique, la pauvreté, la discrimination, etc.
En conclusion, honorables sénateurs, le projet de loi S-222 représente un progrès. Il témoigne de notre engagement continu à éliminer les obstacles arbitraires à la participation. Il témoigne de notre confiance dans l’énergie, l’intelligence et la passion de la prochaine génération de leaders canadiens.
Aujourd’hui, nous avons l’occasion de franchir une étape cruciale vers l’édification d’une démocratie plus robuste, plus représentative et plus légitime. Reconnaissons la maturité de ces jeunes Canadiens. Examinons les choix faits par nos pairs du Commonwealth.
Chers collègues, je vous exhorte à appuyer l’adoption du projet de loi S-222 et à permettre son renvoi au comité pour une étude plus approfondie.
Merci, meegwetch.
L’honorable Flordeliz (Gigi) Osler : La sénatrice Senior accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Senior : Avec plaisir.
La sénatrice Osler : Merci, sénatrice Senior, pour ce discours. Vous y avez mentionné l’éducation civique en classe. Je conviens qu’il est nécessaire de renforcer les connaissances civiques pour renforcer la démocratie, mais je note également que l’éducation relève de la compétence des provinces et des territoires. Savez-vous quelles provinces et quels territoires ont des programmes d’éducation civique de la 7e à la 12e année, ou est-ce le type de renseignements que nous obtiendrions au comité?
La sénatrice Senior : Je ne pourrais pas vous en dresser la liste, mais c’est l’une des choses que nous pourrions examiner dans le cadre de l’étude du projet de loi en comité. Nous pourrions découvrir où ces programmes d’éducation civique sont déjà offerts et évaluer, dans une certaine mesure, comment ils influent sur la participation des jeunes de 16 et 17 ans.
Par ailleurs, il est également très important de noter que des simulations sont proposées aux jeunes pendant les élections pour les inciter à y participer. Je pense, entre autres, au mouvement Rock the Vote et à d’autres initiatives similaires qui sont très populaires pendant les élections provinciales et fédérales, et parfois municipales, de sorte que les jeunes jouent un rôle actif par l’entremise de ces simulations.
L’honorable Katherine Hay : Madame la sénatrice, accepteriez-vous de répondre à une question? Merci.
Compte tenu de mon parcours, vous savez sans doute que j’appuie cette idée. Je crois fondamentalement qu’on ne peut prendre de décision sans consulter les parties intéressées, et cela vaut également pour les jeunes. Je suis d’accord avec vous, sénatrice Senior. Les jeunes sont eux-mêmes des chefs de file. Ils s’impliquent dans chacune des communautés au pays. Ils fréquentent l’école. Ils font du bénévolat. Ils conduisent des voitures. Ils trouvent des solutions. Ils servent leur pays en tant que cadets ou sont déjà des membres actifs des forces armées. Tout cela change même le paysage.
Selon Statistique Canada, le pays compte 8,5 millions de jeunes, donc réduire à 16 ans l’âge de voter a une importance fondamentale. Certains votent déjà.
Dans votre discours, vous avez fait remarquer — et je suis entièrement d’accord avec vous — que lorsque l’on érige ou renforce des obstacles, on est en train de dire aux jeunes qu’ils n’ont pas leur place et que leur opinion ne vaut rien. Pourtant, notre avenir dépend d’eux. Ils incarnent notre avenir.
Sénatrice, au-delà des lieux communs que nous entendons à l’heure actuelle sur l’éducation qui devrait être meilleure, pourriez-vous nous expliquer comment vous envisagez de donner plus de pouvoir aux jeunes d’un océan à l’autre en leur accordant le droit de vote dès l’âge de 16 ans pour qu’ils influent véritablement sur notre avenir?
La sénatrice Senior : Voilà toute une question. Merci.
J’ai commencé ma carrière en travaillant avec des jeunes et des communautés, en particulier dans la région du Grand Toronto. J’ai également eu l’occasion, pendant les campagnes électorales, de travailler avec des jeunes. Il s’agissait des jeunes les plus engagés, les plus enthousiastes et les plus inspirants avec lesquels j’ai eu l’occasion de travailler.
(1620)
Le maintien de cette barrière aura pour conséquence de perdre des jeunes qui sont déjà à un stade de leur vie où, si vous captez leur attention, celle-ci sera maintenue toute leur vie.
Dans le milieu des jeunes avec lesquels je travaille, je les encourage personnellement chaque année à aller voter. Ils savent que matante Paulette va leur poser la question : « As-tu voté? » Je ne leur dis pas pour qui voter, mais je leur demande s’ils ont voté et exercé leur droit de vote. Je n’ai plus besoin de le faire avec tous. Une fois que l’habitude est prise, ils s’impliquent. De plus, s’ils se montrent incertains, nous engageons la conversation. Je pense que c’est en partie ce qui nous manque, car ils sont curieux, et nous devons être capables de répondre...
Son Honneur le Président intérimaire : Je suis désolé, sénatrice Senior, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps pour compléter votre réponse à cette question?
La sénatrice Senior : Oui.
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, accordez-vous votre consentement pour que la sénatrice puisse répondre à la question?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président intérimaire : Le consentement est accordé. Sénatrice Senior, veuillez terminer votre intervention.
La sénatrice Senior : Merci, chers collègues.
Pour terminer ma réponse, je dirais que j’aimerais beaucoup voir émerger une société qui encourage les jeunes à s’engager pleinement dans notre démocratie, qui les incite à poser les questions difficiles sur les problèmes complexes de l’heure, notamment les changements climatiques, et qui leur permet d’influencer réellement les politiques publiques quant à l’avenir dans lequel ils vivront.
(Sur la motion de la sénatrice Pate, le débat est ajourné.)
Le Sénat
Motion concernant la situation à Gaza—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Woo, appuyée par l’honorable sénateur Dean,
Que, à la lumière des conclusions et des ordonnances de la Cour internationale de Justice et de la Cour pénale internationale concernant la situation à Gaza, le Sénat demande au gouvernement d’examiner le risque pour le Canada et les Canadiens de complicité dans des violations du droit international humanitaire, y compris des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et un génocide, et de faire rapport de ses conclusions dans les trois mois suivant l’adoption de la présente motion.
L’honorable Baltej S. Dhillon : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer la motion du sénateur Woo, qui demande au gouvernement d’examiner le risque pour le Canada et les Canadiens de complicité dans des violations du droit international concernant la situation à Gaza.
Je tiens tout d’abord à reconnaître que des attaques horribles ont été perpétrées contre des civils israéliens le 7 octobre 2023. Aucun pays ne devrait être confronté à une telle violence, et chaque nation a le droit de défendre ses citoyens. Ce droit n’est toutefois pas sans limites. Le droit international humanitaire et le principe de proportionnalité visent à garantir que la défense d’une population n’entraîne jamais la destruction d’une autre.
Je remercie le sénateur Woo pour le courage et la conviction dont il fait preuve en présentant cette motion, ainsi que mes collègues les sénateurs Pate, Gerba, Dean, Muggli et McPhedran pour leurs interventions convaincantes. Leurs voix expriment une urgence morale et nous rappellent que lorsque la conscience du monde est mise à l’épreuve, le silence n’est pas neutre : il est complice.
Chers collègues, je ne prétendrai pas avoir une connaissance approfondie du droit pénal international et du droit humanitaire. Je peux toutefois, comme tout être humain et comme vous tous, avoir le sentiment et la conviction qu’ils sont bafoués. Devant les souffrances incessantes à Gaza — où des enfants sont retirés des décombres, des familles sont séparées à jamais, la dignité de la vie humaine est bafouée —, nous ne pouvons pas détourner le regard. Nous devons affronter une vérité dérangeante : parce que nous sommes conscients de la situation, nous avons le devoir de faire mieux.
Comme j’ai déjà fait partie des forces de l’ordre, je sais d’expérience que l’application de la loi ne vise pas qu’à punir; c’est aussi une question de prévention. Le même principe s’applique au-delà de nos frontières. Quand un pays suit les principes du droit international, il ne se contente pas de suivre les règles; il veille aussi à protéger l’humanité.
L’application de la loi est l’antithèse de la complicité, car elle vient rompre la suite des actes répréhensibles. La complicité est favorisée par des systèmes où la reddition de comptes est faible, où on contourne les règles par commodité, et où l’épuisement moral devient la norme.
Dans notre propre système de justice, la notion de complicité après le fait a été établie justement pour décourager la complicité. Elle permet de punir ceux qui, par acte ou omission, aident des malfaiteurs après qu’ils ont commis un crime. Nous devrions bien réfléchir à ce principe lorsque nous évaluons le rôle de notre pays sur la scène internationale et nos relations avec des pays qui commettent des violations des droits de la personne de façon odieuse.
Ce même principe sous-tend des cadres internationaux comme les Conventions de Genève, la Convention sur le génocide et la Déclaration universelle des droits de l’homme. Ces cadres juridiques ont vu le jour après des tragédies humaines, comme celles visées par les procès de Nuremberg et celles qui ont eu lieu au Rwanda et à Srebrenica. Ils visent à faire en sorte que l’humanité ne puisse plus jamais se permettre de rester indifférente.
Honorables collègues, on dit que l’histoire ne se répète pas toujours, mais reprend souvent le même refrain. La question qui se pose à nous est de savoir si le Canada va reprendre le même refrain tragique ou s’il aura le courage de réécrire l’histoire.
Cette motion soulève une question simple, mais profonde : nos lois, nos actions et nos omissions nous rendent-elles complices de la souffrance qui sévit à Gaza, en Cisjordanie ou ailleurs? Nos politiques sont-elles conformes aux principes que nous prétendons défendre?
Jeudi dernier, mon bureau a assisté à une présentation en ligne organisée par le Legal Centre for Palestine et par Forensic Architecture, un organisme de recherche basé à l’Université de Londres. Je vous encourage tous à lire son rapport sur l’architecture de la famine génocidaire à Gaza, qui décrit un système humanitaire soumis à une pression extrême.
Sa présentation a mis en évidence l’utilisation de l’aide humanitaire comme arme, celle-ci devenant un outil de contrôle. Aux points de contrôle, du fait d’un système de gaspillage intentionnel, près de 40 % des denrées périssables ont pourri avant d’atteindre les civils. Un lanceur d’alerte a cité un haut responsable qui aurait dit : « Un Gazaoui affamé est un Gazaoui silencieux. »
Pire encore, le rapport de Forensic Architecture montre que certains de ces points de distribution d’aide humanitaire sont devenus des lieux de massacre. Le bombardement de civils dans une file d’attente au rond-point du Koweït et la tragédie de la rue al-Rashid — connue sous le nom de « massacre de la farine », où des civils en quête de nourriture ont été atteints par des obus de chars, des coups de feu et des tirs de drones — nous rappellent que les couloirs humanitaires peuvent eux-mêmes être transformés en instruments de désespoir.
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Au-delà des horreurs immédiates, la destruction systématique des systèmes agricoles, des réseaux d’approvisionnement en eau et d’assainissement et de près de 70 % des établissements de santé est un projet délibéré visant à provoquer l’effondrement de la société. Chers collègues, un cessez-le-feu ne suffit pas à réparer les dommages. Cette destruction garantit que, lorsque la capacité à maintenir la vie elle-même aura été détruite, le processus génocidaire se poursuivra.
C’est pour cette raison que la motion du sénateur Woo est importante. Elle demande au gouvernement de faire ce qui suit :
[...] examiner le risque pour le Canada et les Canadiens de complicité [...] et de faire rapport de ses conclusions dans les trois mois suivant l’adoption de la présente motion.
Certains se posent peut-être les questions suivantes : Comment peut-on évaluer le risque de complicité? Comment peut-on mesurer un risque moral? Ce sont des questions légitimes. Toutefois, ce n’est pas parce que la tâche est difficile qu’il faut l’éviter.
Par où devons-nous commencer? Permettez-moi de vous donner quelques points à considérer.
Premièrement, il y a la cohérence des politiques. Le gouvernement peut examiner tous les cadres internationaux et nationaux — notamment en matière d’aide, d’exportations d’armes, de commerce et de relations diplomatiques — pour vérifier qu’ils sont conformes aux obligations du Canada en vertu du droit humanitaire international. Des mécanismes comme le modèle d’évaluation des risques du Traité sur le commerce des armes, dont le Canada est un État partie, ou le Guide OCDE sur le devoir de diligence pour une conduite responsable des entreprises offrent des modèles utiles pour évaluer la complicité dans le commerce. Les consultations gouvernementales sur cet exercice devraient également inclure des juristes, des organismes humanitaires et des représentants de la société civile.
Deuxièmement, il y a la responsabilité relative à notre discours. Nos paroles, tout comme nos actes, ont du pouvoir. La version des faits qui est présentée, qu’elle soit intentionnelle ou non, peut normaliser la complicité. Le célèbre auteur Chinua Achebe a écrit un jour ce proverbe : « Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, l’histoire de la chasse glorifiera toujours le chasseur. » Dans ce contexte, Achebe commentait la manière dont la colonisation a minimisé les luttes et les voix des marginalisés, et cette leçon s’applique également ici.
L’histoire et la souffrance ne peuvent être évaluées en fonction de l’origine ou de l’âge. Qu’une atrocité se déroule dans une ville millénaire ou dans un État nouvellement fondé, la tragédie et la perte de la dignité humaine sont les mêmes partout. Posons-nous la question suivante : la souffrance de qui voyons-nous et la souffrance de qui ignorons-nous?
Troisièmement vient la diplomatie de la conscience. La diplomatie est un art qui se pratique en finesse, et je suis sûr que les anciens diplomates ici présents — le sénateur Boehm, le sénateur Harder, la sénatrice Hébert, le sénateur Cuzner et la sénatrice Wallin — le savent bien. Cependant, une diplomatie qui n’est pas appuyée sur des valeurs risque de mener à l’apaisement. La force du Canada dans le monde n’a jamais reposé uniquement sur sa puissance économique; elle repose également sur sa crédibilité morale. En faisant du commerce avec des pays visés par des enquêtes pour crimes de guerre, nous devons nous demander : qu’est-ce que cette complicité nous apporte et quel est le prix pour nos valeurs?
Chers collègues, il n’est jamais facile de reconnaître ses torts. Il est encore plus difficile de reconnaître sa complicité, car cela signifie admettre que nous savions et que nous n’avons pourtant pas agi. L’introspection n’est cependant pas une faiblesse, c’est une preuve de leadership.
En Finlande, les dirigeants politiques adhèrent à un concept connu sous le nom de « gouvernement humble ». Cette forme de gouvernance privilégie la collaboration et renforce la confiance des citoyens. Plus important encore, elle encourage le gouvernement à revoir ses propres actions à la lumière de nouvelles perspectives. Si l’humilité peut être institutionnalisée, la responsabilité peut l’être aussi.
Le Canada pourrait montrer l’exemple en examinant publiquement ses cadres humanitaires, militaires et commerciaux et en publiant ses conclusions dans les trois mois, comme le demande cette motion. Cela permettra de garantir que nos actions et notre inaction ne nuisent pas à la cause de la justice. Comme nous le savons tous, examiner et gouverner ne sont pas mutuellement exclusifs.
Honorables sénateurs, notre tâche n’est pas de rejeter la faute sur qui que ce soit, mais d’empêcher que l’histoire ne se répète et n’écrive un nouveau refrain de tristesse. Alors que nous débattons de cette motion et finirons par la mettre aux voix, j’espère que nous choisirons l’action plutôt que la complicité, l’examen plutôt que l’esquive, et la vérité plutôt que la timidité. Car en fin de compte, ce qui fait la grandeur d’un pays, ce n’est pas la force avec laquelle il proclame ses valeurs, mais le courage avec lequel il examine son propre reflet.
Pour les habitants de Gaza et de la Cisjordanie, cet examen de la complicité n’est pas un exercice théorique; c’est une bouée de sauvetage, c’est urgent et cela doit se faire maintenant. Pour le Canada, c’est un moment de clarté morale qui est nécessaire.
Merci, chers collègues.
(Sur la motion de la sénatrice Patterson, au nom de la sénatrice Wallin, le débat est ajourné.)
Le Monument commémoratif national de guerre de Terre-Neuve et la Tombe du soldat inconnu de Terre-Neuve de la Première Guerre mondiale
Interpellation—Fin du débat
L’honorable Fabian Manning, ayant donné préavis le 29 octobre 2025 :
Qu’il attirera l’attention du Sénat sur le Monument commémoratif national de guerre de Terre-Neuve et la Tombe du soldat inconnu de Terre-Neuve de la Première Guerre mondiale.
— Honorables sénateurs, St. John’s abrite l’un des deux seuls monuments commémoratifs nationaux de guerre au Canada, et celui de Terre-Neuve est le plus ancien, puisqu’il a été inauguré le 1er juillet 1924. Terre-Neuve était alors un dominion autonome de l’Empire britannique. L’inauguration a eu lieu 15 ans avant la construction du Monument commémoratif de guerre du Canada ici, à Ottawa.
Notre monument commémoratif de guerre est situé sur la rue Water, dans la capitale, St. John’s, sur un terrain anciennement connu sous le nom de la plage King’s. C’est là que bon nombre de soldats du Royal Newfoundland Regiment ont foulé le sol de Terre-Neuve pour la dernière fois avant d’embarquer à bord du Florizel, qui les attendait, pour partir à la guerre.
Lors de la Première Guerre mondiale, environ 12 000 habitants de Terre-Neuve-et-Labrador se sont enrôlés pour combattre aux côtés de la Grande-Bretagne, du Canada, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et des États-Unis.
Pendant la Première Guerre mondiale, le régiment de Terre-Neuve, de la taille d’un bataillon, a été la seule unité nord-américaine à combattre lors de la campagne de Gallipoli en 1915. Plus tard pendant la guerre, le régiment a pratiquement été anéanti à Beaumont-Hamel le 1er juillet 1916, premier jour de la bataille de la Somme.
Les premières recrues du régiment ont été surnommées les Blue Puttees en raison de la couleur inhabituelle de leurs bandes molletières, des bandes recouvrant la partie inférieure de la jambe, de la cheville au genou. La couleur bleue a été choisie en raison de la pénurie de tissu kaki foncé sur l’île de Terre-Neuve à l’époque.
En décembre 1917, George V accorda au régiment le droit d’utiliser le préfixe « Royal » devant son nom. Ce fut la seule unité militaire à recevoir cet honneur pendant la Première Guerre mondiale.
Après la Première Guerre mondiale, la Great War Veterans’ Association et la Newfoundland Patriotic Association ont lancé une campagne visant à ériger un monument commémoratif de guerre national. Ces associations ont formé un comité chargé de concevoir le monument et de recueillir les fonds nécessaires à sa construction. En très peu de temps, les dons ont commencé à affluer.
Le mémorial commémore toutes les réalisations de Terre-Neuve-et-Labrador pendant la guerre, sur terre et sur mer. La construction du mémorial a été supervisée par le lieutenant-colonel Thomas Nagle, aumônier catholique du Royal Newfoundland Regiment, et par le capitaine à la retraite Gerald Whitty.
Conçue par les artistes britanniques Gilbert Bayes et Ferdinand Victor Blundstone, la sculpture allégorique féminine appelée Victoire, Liberté ou Esprit de Terre-Neuve repose sur un piédestal en granit. Elle tient un flambeau dans sa main gauche, au-dessus de sa tête. Ce flambeau, qui symbolise la liberté, est le point le plus élevé du monument commémoratif, donnant la priorité à la liberté comme motivation centrale des contributions de Terre-Neuve en temps de guerre. Dans sa main droite, elle tient une épée qui représente à la fois la volonté de Terre-Neuve de servir pendant la Première Guerre mondiale et sa loyauté envers l’Empire britannique. L’épée est au-dessous de sa taille, mais pas complètement abaissée, car elle est prête à combattre. Elle est censée représenter le fait que, bien que la guerre soit terminée, Terre-Neuve était, et est toujours, prête à se battre pour sa liberté et son indépendance.
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La sculpture féminine s’élève au-dessus de quatre figures en bronze plus vraies que nature représentant un marin de la Newfoundland Royal Naval Reserve, un bûcheron du Corps forestier, un pêcheur en ciré et en bottes Wellington de la marine marchande, et un soldat du Royal Newfoundland Regiment, établissant ainsi un lien tangible avec Terre-Neuve-et-Labrador et ceux qui ont servi à l’étranger et sur le front intérieur.
Sur le devant du monument, sous les figures, se trouvent cinq plaques commémorant les contributions de Terre-Neuve-et-Labrador à différents conflits. Au centre, la plaque originale de 1924 rend hommage aux personnes tuées pendant la Première Guerre mondiale. Des plaques dédiées aux victimes de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre de Corée, de la guerre en Afghanistan et de la guerre de 1812 ont été ajoutées ultérieurement.
En 2019, le monument reçoit la désignation de lieu historique national en raison de son importance artistique et du fait qu’il a été inspiré par le célèbre poème de John McCrae, Au champ d’honneur. Le maréchal Douglas Haig, comte Haig, qui avait commandé le corps expéditionnaire britannique pendant la majeure partie de la Première Guerre mondiale, a inauguré le Monument commémoratif national de guerre à St. John’s le 1er juillet 1924. Vingt mille personnes, soit 10 % de la population de l’île à l’époque, sont venues assister à l’inauguration.
En prévision de son centenaire en 2024, le monument commémoratif a fait l’objet d’une restauration chiffrée à 6,1 millions de dollars. Une partie du projet a été confiée à un sculpteur de la région : Morgan MacDonald, de St. John’s. Il s’agissait d’un véritable travail de moine : redonner aux sculptures leur aspect d’origine après un siècle d’exposition aux intempéries.
L’apparence des sculptures s’était altérée au fil du temps. Celles-ci avaient pris une teinte verdâtre, résultat d’un processus appelé oxydation. Morgan MacDonald jouit d’une réputation à l’échelle nationale pour son travail de sculpteur, mais il affirme que ce projet particulier était une véritable œuvre d’amour, quelque chose qui le touchait très personnellement. En effet, l’arrière-grand-père de Morgan, Joe Babstock, était un vétéran de la Première Guerre mondiale ayant survécu à plusieurs batailles et à la captivité allemande.
Alors qu’il effectuait ses travaux de restauration sur les statues, Morgan a déclaré avoir ressenti un lien profond avec les artistes qui les avaient initialement construites il y a plus de 100 ans et avoir considéré comme un grand honneur d’avoir le privilège d’être chargé de restaurer les statues à leur état d’origine. Il a déclaré : « C’est un travail d’une qualité que l’on ne voit plus aujourd’hui. Il appartient à une époque révolue […]» Il a ajouté : « C’est un grand exercice d’humilité. J’admire ce genre de savoir-faire. »
Je peux dire sans hésiter que mes concitoyens de Terre-Neuve-et-Labrador et moi-même sommes ravis de l’excellent travail de Morgan MacDonald. Le résultat final de ces heures de travail acharné qu’il a consacrées à la restauration des statues du monument commémoratif de guerre témoigne d’un talent exceptionnel, et nous lui serons éternellement reconnaissants de ce qu’il a accompli. Il laisse lui aussi un legs dont il devrait être très fier.
Le projet de restauration a permis d’embellir le site dans son ensemble, d’installer un nouvel éclairage et d’aménager de nouvelles allées et de nouveaux escaliers accessibles. Les mots peuvent difficilement décrire la beauté du résultat final. C’est tout à l’honneur de ceux qui ont conçu, réalisé et financé le projet, mais surtout, c’est un hommage bien mérité aux femmes et aux hommes courageux qui se sont battus et qui sont morts pour défendre la paix et la liberté dont nous jouissons aujourd’hui dans ce pays.
L’aménagement de la tombe du soldat inconnu est un autre élément important du projet de restauration.
Reconnaissant l’histoire militaire unique de Terre-Neuve, la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth a, pour la toute première fois, approuvé l’aménagement d’une deuxième tombe d’un soldat inconnu dans le même pays.
La tombe est faite de granit calédonia extrait à Rivière-à-Pierre, au Québec. On a choisi ce granit pour sa couleur, qui correspond à celle du monument commémoratif de guerre. Les éléments en bronze, c’est-à-dire une épée médiévale, un casque de la Première Guerre mondiale et des branches d’érable et de laurier, symbolisent à la fois la victoire et la défaite et ont été élaborés par l’artiste canadienne Mary Ann Liu et coulés à Roberts Creek, en Colombie-Britannique. Trois des pièces de coin représentent les versions de la Croix du Souvenir depuis sa création, sous les règnes de trois monarques canadiens, soit George V, George VI et Elizabeth II, tandis que la quatrième pièce de coin représente un coquelicot.
La pierre qui recouvre la tombe pèse environ 1 100 kg et est faite de granit du Labrador et d’une pierre appelée « Blue Eyes ». La tombe porte l’inscription « Connu de Dieu seul » en français et en anglais. Une fleur de myosotis, symbole du souvenir du Newfoundland Regiment, est également gravée dans le granit. Les armoiries de Terre-Neuve sont gravées sur le devant de la tombe. Il s’agit en effet d’une œuvre d’art spectaculaire, et maintenant qu’elle est achevée, le temps est venu de ramener notre héros à la maison.
Le processus qui a permis d’atteindre cet objectif, à savoir ramener notre héros chez lui, est en soi un sujet intéressant, mais bien que de nombreuses personnes aient contribué à sa réalisation, ce sont trois fils respectés et admirés de Terre-Neuve-et-Labrador, membres de la Légion royale canadienne, qui sont à l’origine de cette réussite.
Frank Sullivan, Berkley Lawrence et Gary Browne avaient un rêve qu’ils n’allaient pas cesser de poursuivre tant qu’il ne serait pas réalisé.
M. Sullivan, un vétéran comptant 40 ans de service, a été inspiré par le rapatriement de soldats inconnus par d’autres nations et s’est senti personnellement concerné, car son grand-oncle, le soldat Charles Canning, avait servi dans le Royal Newfoundland Regiment pendant la Première Guerre mondiale et avait été tué en 1918. Il n’a pas de lieu de sépulture connu. M. Sullivan estimait que le soldat inconnu à Ottawa ne représentait pas l’histoire unique et fière de Terre-Neuve-et-Labrador, en particulier celle du Royal Newfoundland Regiment. Il a donc été le premier à avoir l’idée de rapatrier un soldat de Terre-Neuve.
Berkley Lawrence est issu d’une famille de Terre-Neuve qui compte quatre générations de militaires, à commencer par son grand-père, le soldat Stephen Lawrence, qui a survécu à la bataille de Beaumont-Hamel. Il y a un quart de siècle, lorsque la Tombe du soldat inconnu a été érigée au Monument commémoratif de guerre du Canada, à Ottawa, Berkley était membre actif des Forces armées canadiennes.
Un appel a été lancé à son unité afin de demander des volontaires pour monter la garde devant la tombe, et Berkley a levé la main. Il a ensuite passé de nombreuses heures comme sentinelle devant la tombe d’Ottawa, et cette expérience a fait naître en lui le désir de ramener l’un de nos gars chez lui, à Terre-Neuve.
Gary Browne, ancien chef adjoint de la Force constabulaire royale de Terre-Neuve et ancien combattant des Forces armées canadiennes, est un auteur renommé dans le domaine de l’histoire militaire et policière. Auteur de trois ouvrages sur l’histoire militaire de Terre-Neuve-et-Labrador, il est connu de Terre-Neuve à Gallipoli. Il a participé à la construction de monuments à Terre-Neuve-et-Labrador, en Belgique et en Türkiye.
La première demande adressée à Anciens Combattants Canada, à Ottawa, pour solliciter l’aide du ministère pour le rapatriement d’un soldat de Terre-Neuve, a été catégoriquement rejetée. Cependant, les fonctionnaires ont sans doute sous-estimé la détermination et la passion de MM. Sullivan, Lawrence et Browne.
Les trois hommes ayant bénéficié dès le départ de l’appui du ministre fédéral responsable de Terre-Neuve-et-Labrador, Seamus O’Regan, et du ministre provincial du Tourisme et de la Culture de Terre-Neuve-et-Labrador, Steve Crocker, leur rêve a commencé à sembler réalisable. Peu de temps après, le ministre Crocker a présenté la demande lors d’une réunion à Ottawa avec le ministre des Anciens Combattants de l’époque, Lawrence MacAulay, et il a également organisé une rencontre entre MM. Sullivan, Lawrence et Browne et le premier ministre de l’époque, Andrew Furey, afin de discuter de la proposition.
Gary Browne m’a dit qu’après que les trois hommes eurent rencontré le premier ministre Furey et eurent obtenu l’assurance que le ministre MacAulay les appuyait, il était convaincu que le mouvement était enclenché pour réaliser le rêve de ramener l’un de nos fils à Terre-Neuve.
Michael Crummey, auteur primé de Terre-Neuve et coauteur du documentaire La bataille de Terre-Neuve, qui porte sur la bataille de Beaumont-Hamel, s’est dit frappé de constater à quel point les pertes semblaient encore affecter personnellement bon nombre des personnes avec qui il s’est entretenu lors de ses recherches.
M. Crummey a déclaré ceci lors d’une entrevue : « Je pense que c’est un petit coin de pays où les liens entre les gens sont très forts. »
Le concept des six degrés de séparation ne s’applique pas ici : il y en a au maximum un ou deux. On a donc l’impression que ces pertes nous ont tous affectés et que nos vies auraient été complètement différentes si la Première Guerre mondiale n’avait pas eu lieu.
L’opération visant à ramener le soldat inconnu chez lui a été baptisée opération Distinction. Le 13 mai 2024, le corps d’un soldat inconnu de Terre-Neuve a été exhumé d’un cimetière militaire à Cagnicourt, en France. Ce soldat était membre du Royal Newfoundland Regiment et il a été tué lors de la Première Guerre mondiale. On pense qu’il est mort dans le Nord de la France et qu’il a été enterré parmi d’autres soldats de Terre-Neuve, mais son identité n’a jamais été confirmée. Les restes ont été identifiés comme appartenant à un soldat de Terre-Neuve grâce à l’archéologie judiciaire et à des recherches archivistiques qui ont permis de découvrir un insigne d’épaule du Royal Newfoundland Regiment près de la tombe.
Les membres du Royal Newfoundland Regiment portaient des insignes distinctifs sur leur uniforme. Pour afficher leur allégeance à la mère patrie, un badge arborant un caribou ou un écusson représentant Terre-Neuve était fixé à l’épaule de leur uniforme.
Les efforts visant à rapatrier un soldat terre-neuvien inconnu remontent à 1920, quand Thomas Nangle, l’aumônier du régiment, a été le premier à plaider en faveur de ce geste. L’objectif était de fournir une sépulture symbolique aux plus de 820 Terre-Neuviens sans tombe connue.
Le matin du 25 mai 2024, lors d’une cérémonie émouvante et solennelle au monument commémoratif de Beaumont-Hamel, alors que l’Hymne à Terre-Neuve sonnait sur l’ancien champ de bataille, le gouvernement de la France a transféré le corps du soldat inconnu au gouvernement du Canada et, plus tard ce jour-là, le fier fils de Terre-Neuve est arrivé à St. John’s et a été accueilli en héros plus de 100 ans après la Première Guerre mondiale. Ce fut un moment spécial et touchant dans l’histoire de notre province.
Un corbillard portant le cercueil a fait une procession solennelle devant plusieurs sites d’importance historique pour le Royal Newfoundland Regiment, y compris les terrains d’entraînement à Pleasantville, le port où le S.S. Florizel aurait amarré, le Sergeants’ Memorial, le manège militaire de la CLB et le Monument commémoratif de guerre du Canada. Une foule nombreuse s’était massée le long des rues pour voir passer le corbillard. Nombre de personnes ont fait le signe de la croix au passage du corbillard, et on pouvait lire sur leurs lèvres qu’ils disaient « merci ». C’était un événement unique dans une vie.
(1650)
Du 28 au 30 juin 2024, la dépouille du soldat inconnu a été exposée à l’Édifice de la Confédération, à St. John’s, où des milliers de Terre-Neuviens et de Labradoriens sont venus lui rendre hommage.
La plupart des Canadiens connaissent le 1er juillet comme étant la fête nationale du Canada. Cependant, à Terre-Neuve-et-Labrador, cette journée revêt une signification supplémentaire et plus solennelle. Elle est également connue sous le nom de Jour du Souvenir et marque l’anniversaire de la bataille de Beaumont-Hamel, lors de la Première Guerre mondiale. Des centaines de soldats terre-neuviens ont été tués au combat durant cette bataille.
Le commandant de la 29e Division britannique qualifia ainsi les efforts déployés par le Newfoundland Regiment, ce matin de juillet :
« Ce fut un magnifique exemple de vaillance exercée et disciplinée, et son offensive a échoué parce que des hommes morts ne peuvent plus avancer. »
Chaque année, le 1er juillet, de nombreux habitants de Terre-Neuve portent une fleur délicate de myosotis en l’honneur des soldats du Royal Newfoundland Regiment.
Alors que le soleil se levait sur les collines près du port de St. John’s, le 1er juillet 2024, on sentait bien que le jour du Souvenir serait différent des autres cette année-là. Une grande cérémonie allait avoir lieu au Monument commémoratif national de guerre de Terre-Neuve pour souligner son 100e anniversaire, et pendant cette célébration du centenaire, la dépouille du soldat inconnu du Royal Newfoundland Regiment allait être inhumée.
La gouverneure générale du Canada, le premier ministre et le premier ministre de notre province, qui avait été désigné comme plus proche parent, se sont joints à des milliers d’autres personnes lorsque la dépouille du soldat a quitté l’édifice de la Confédération pour se rendre au Monument commémoratif national de guerre de Terre-Neuve.
Il y avait une atmosphère particulière à St. John’s ce matin-là. Le silence de la foule était assourdissant. C’était un privilège de me tenir devant le mémorial à ce moment-là, un moment que je chérirai et que je n’oublierai jamais. J’ai pensé à toutes les familles, en particulier aux mères et aux épouses dont le fils ou le mari n’était jamais rentré à la maison. J’ai pensé aux enfants qui ont dû grandir sans présence paternelle pendant cette période économique difficile à Terre-Neuve. J’ai pensé à ce que serait notre province aujourd’hui si ces courageux soldats étaient rentrés chez eux. Pendant que le cercueil était déposé au fond de la tombe, j’ai pensé au soldat qui y reposait en imaginant son bonheur d’être enfin inhumé en territoire terre-neuvien. C’était un moment de fierté pour Terre-Neuve-et-Labrador.
Frank Sullivan, dont le rêve de rapatrier le soldat s’était enfin réalisé, a déclaré...
Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Manning, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?
Le sénateur Manning : Il me faudrait encore deux minutes, s’il vous plaît.
Son Honneur le Président intérimaire : Encore deux minutes. Est-ce d’accord, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Le sénateur Manning : Comme l’a dit Frank Sullivan, dont le rêve de rapatrier le soldat s’était concrétisé : « Les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador ont maintenant une personne qui incarne leur dévouement et leur sacrifice collectifs » et « Quand viendra l’heure du crépuscule et de celle de l’aurore, nous nous souviendrons d’eux ».
On se souviendra du 1er juillet 2024 comme d’un jour important dans l’histoire de Terre-Neuve-et-Labrador, et je tiens à remercier très sincèrement toutes les personnes qui ont fait de cette journée une réalité, en particulier Frank Sullivan, Berkley Lawrence et Gary Browne. Nous sommes fiers de vous. Je terminerai donc par quelques mots tirés de notre hymne provincial, « Hymne à Terre-Neuve ».
L’amour de nos aïeux, un phare;
Leurs valeurs, notre espoir;
Au ciel nous offrons leur prière.
Que Dieu protège Terre-Neuve,
Protège et garde
Notre pays Terre-Neuve.
Merci.
Des voix : Bravo!
(Le débat est terminé.)
(À 16 h 54, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)